Belloubet met de la "souplesse" dans les groupes de niveau contestés

La ministre de l'Education nationale Nicole Belloubet à l'Elysée le 6 mars 2024

By Anne-Sophie MOREL, Sophie LAUBIE

Paris (AFP) - La ministre de l'Education Nicole Belloubet a annoncé jeudi un assouplissement dans la mise en place de groupes de niveau en français et en mathématiques l'an prochain au collège, tout en laissant planer un certain flou sur l'application de cette réforme contestée.

La ministre, qui a succédé le 8 février à Amélie Oudéa-Castera, réaffirme dans un entretien au Monde le principe de "groupes tout au long de l'année scolaire" en français et mathématiques, une mesure prévue dès la rentrée prochaine en 6e et 5e. Mais, ajoute-t-elle, "nous allons introduire une certaine souplesse pour les principaux de collège".

"Ainsi il appartiendra au chef d'établissement de voir à quels moments dans l'année il faut rassembler les élèves en classe entière, afin de réexaminer la composition des groupes", explique la ministre, qui dit "croire à l’autonomie des établissements et "faire confiance aux équipes éducatives".

Cependant, "la confiance n’exclut pas les responsabilités", tempère-t-elle. "Il y aura un travail avec les corps d'inspection pour voir si ce qui a été imaginé par les équipes répond bien à la commande de la constitution de groupes".

En réintroduisant l'idée de "moments en classe entière", la ministre assouplit de fait le discours initial de Gabriel Attal, alors ministre de l'Education, même si elle se défend de toute inflexion.

\- "crash annoncé" -

Gabriel Attal avait annoncé en décembre la création de ces groupes de niveau à la rentrée 2024 en 6e et en 5e, et en septembre 2025 en 4e et 3e. C'est l'une des mesures du "choc des savoirs", ensemble de réformes pour élever le niveau des élèves face aux mauvais résultats de la France dans la dernière enquête internationale Pisa.

Mais la création de ces groupes avait suscité la colère des syndicats enseignants, chefs d'établissements et fédérations de parents d'élèves, qui ont pointé un risque de "tri" des élèves et un manque de moyens pour les mettre en place.

Depuis son arrivée, la nouvelle ministre a tenté de déminer ce sujet inflammable. Elle a notamment précisé à plusieurs reprises que ces groupes, qu'elle s'est gardée de qualifier de "groupes de niveau", seraient flexibles et qu'elle "refuserait tout système de tri social".

Les annonces faites jeudi sont cependant loin de répondre à toutes les questions soulevées.

"Ca ne change rien à la philosophie générale que l'on n'a pas validée, car les moyens ne sont pas là", a réagi auprès de l'AFP Agnès Andersen, secrétaire générale du syndicat de chefs d'établissement ID-FO.

"Nous avions estimé à 6.000 le nombre de professeurs nécessaires" pour cette réforme, contre 2.300 annoncés par le ministère, déplore-t-elle. "Les chefs d'établissements refusent d'être les boucs émissaires d'un crash annoncé".

\- "On trie les déchets, pas les élèves" -

Au ministère, on souligne que l'idée reste celle de "l'organisation en groupes" en fonction des compétences des élèves, mais que "par dérogation et pour des périodes limitées, on peut avoir des regroupements en classes entières".

"On ne fixe pas de proportion cible" de temps passé en classe entière, ajoute le ministère. "C'est aux équipes pédagogiques de terrain de trouver l'organisation la plus fine".

Mais "on peut par exemple imaginer que les toutes premières semaines de l’année se fassent en classe entière le temps de poser un certain nombre de jalons communs", pour "ensuite avoir une bascule dans les groupes de besoin" après les évaluations de début de 6e (dans la deuxième quinzaine de septembre).

De même source, on assure qu'il y aura toujours "un professeur de français et un professeur de mathématiques référents de la discipline pour chaque classe", qui pourront "d’ailleurs être professeurs principaux".

Ces nouvelles annonces sur les groupes de niveau interviennent alors que des mobilisations ont eu lieu ces dernières semaines contre cette réforme, notamment en Seine-Saint-Denis.

Les syndicats enseignants y ont appelé à un rassemblement jeudi midi devant le ministère de l'Education pour réclamer un plan d'urgence pour l'école dans ce département et protester contre les groupes de niveau.

"On trie les déchets, pas les élèves", pouvait-on notamment lire sur une pancarte lors de cette manifestation qui a rassemblé un millier de personnes, a constaté l'AFP.

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