Fonctionnaires: faible mobilisation pour réclamer des hausses de salaires

Manifestation à Paris le 19 mars 2024 des fonctionnaires à l'appel de leurs syndicats pour demander des hausses de salaire

By Damien GAUDISSART, avec les bureaux régionaux de l'AFP

Paris (AFP) - "Du fric, du fric pour la fonction publique !" Les fonctionnaires marchent mardi à travers la France pour tenter d'arracher au gouvernement des hausses de salaires malgré un contexte budgétaire contraint, mais la mobilisation était relativement peu suivie en milieu d'après-midi.

"Il n'y aucun investissement dans l'éducation, aucune considération", s'attriste Nathalie Lacuy, professeure d'EPS, qui manifeste à Bordeaux, "Quand j'ai commencé en 1990, on était payé à 2,2 SMIC, maintenant c'est 1,3 !". "On touche la moitié du salaire de nos voisins allemands, je ne pense pas qu'on fasse moins bien notre travail qu'eux", renchérit Frédérique Nykolyszak, enseignante de 56 ans.

Comme elles, fonctionnaires de tous bord manifestent dans des dizaines de villes françaises à l'appel des huit syndicats représentatifs (CGT, FO, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC, FA-FP), qui réclament de nouvelles augmentations générales, après celles de 3,5% et 1,5% consenties en 2022 et 2023.

"Moins de réformes, plus de considération et plus de rémunération", ou encore "le choc des salaires, pas des savoirs", clament ainsi des pancartes du cortège strasbourgeois.

"Une personne en catégorie C -une secrétaire ou un ouvrier– démarre à 1.400 euros net", souligne Florent Cretin, responsable CFDT aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. "On ne demande pas la lune, si on peut obtenir 50 euros net, ce serait déjà pas mal", estime-t-il, même si "le plus simple serait encore d'avoir une revalorisation du point d'indice", qui sert à calculer le salaire de base des fonctionnaires.

\- "Manif de reprise" -

Malgré une rare unité intersyndicale dans l'appel à la mobilisation adressé aux 5,7 millions d'agents publics, la grève est modérément suivie mardi. Pourtant, son ampleur constitue un enjeu central pour les syndicats, à quatre mois de Jeux olympiques et paralympiques durant lesquels la CGT et FO ont déjà promis de déposer des préavis de grève.

Selon le ministère de la Fonction publique, 6,4% des 2,5 millions d'agents de la fonction publique d'Etat étaient en grève à la mi-journée. Ce taux s'élève à 2,85% dans la fonction publique territoriale et à 2,2% dans la fonction publique hospitalière.

C'est significativement moins que lors des manifestations contre la réforme des retraites début 2023, où l'on comptabilisait 15% à 30% de grévistes selon les secteurs.

Cette mobilisation "est la première manif, la manif de reprise, avant la suite", tempère Mélanie Babin, étudiante de 21 ans présente dans le cortège rennais, où la police a décompté 1.800 participants et les organisateurs, 2.800.

Dans l'Education nationale, un des principaux employeurs d'agents publics, 6,77% des enseignants étaient en grève dans le premier degré (maternelle et élémentaire) et 10,65% dans le second degré (collèges et lycées), selon le ministère.

Outre une hausse des salaires, les manifestants s'alarment aussi du manque croissant de moyens, que ce soit dans l'enseignement ou l'hôpital public. Dans le cortège bordelais, Rose, animatrice en gérontologie à l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande, raconte "l'auto-remplacement sur les jours de repos" et sa crainte de "participer à la maltraitance" faute d'effectifs, avec des patients qui "passent quatre semaines sans douche".

\- "Problèmes de budget" -

Mais à l'heure où le gouvernement promet 10 milliards d'euros d'économies budgétaires en 2024 et le double en 2025, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, refuse de ressortir le chéquier.

Ce fidèle du chef de l'Etat, Emmanuel Macron, met en avant les près de 14 milliards d'euros dépensés depuis 2022 pour soutenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires et propose d'instaurer des négociations salariales annuelles dans la fonction publique, à l'image de ce qui se pratique dans les entreprises.

"On ne nie pas qu'il y a un problème de budget, mais on peut augmenter les recettes", estime Benoît Teste, secrétaire général de la FSU, qui suggère au gouvernement d'aller piocher dans les "200 milliards d'euros d'aides aux entreprises sans contreparties".

Quand bien même des négociations salariales annuelles se tiendraient, elles n'aboutiraient à des hausses de salaires qu'en 2025, ce qui ferait de 2024 une "année blanche", s'inquiètent à l'unisson les huit syndicats représentatifs.

"Il faut que le gouvernement ouvre de vraies négociations et nous tienne un langage de vérité", résume Stanislas Gaudon, président de la fédération des services publics CFE-CGC. "On nous dit qu'il faut faire de l'attractivité avec un grand A, et on ne nous donne pas d'élément d'attractivité", regrette-t-il.

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