Indonésie: dramatique opération de sauvetage de Rohingyas en pleine mer

Des dizaines de réfugiés rohingyas attendent leur sauvetage, sur la coque rouillée d'un navire qui a fait naufrage au large de la province d'Aceh en Indonésie le 21 mars 2024

By Zahlul Akbar, Muhammad Fadly Batubara

Meulaboh (Indonésie) (AFP) - Après une nuit de recherches infructueuses au large de l'Indonésie, le capitaine d'un navire de secours a soudain distingué un point à l'horizon: un groupe de réfugiés rohingyas désespérés et brûlés par le soleil dérivait, accrochés tant bien que mal à la coque rouillée d'un navire renversé.

Partis du Bangladesh, ces hommes, femmes et enfants tentaient de fuir les camps et leur criminalité, la pauvreté et l'absence d'espoir pour atteindre les côtes de l'Indonésie ou, éventuellement, de la Malaisie pour une vie meilleure.

A bord d'un navire de secours parti peu après minuit, un secouriste a aperçu dans ses jumelles un homme agitant désespérément une chemise rouge, dans l'espoir d'être repéré.

Ces réfugiés, membres d'une minorité musulmane persécutée en Birmanie, venaient de faire naufrage deux fois: le rafiot en bois sur lequel ils étaient partis a chaviré mercredi, puis le bateau de pêche venu à leur secours s'est retourné à son tour sous la surcharge.

C'est à la coque du bateau qu'ils se sont accrochés, comme on s'accroche à la vie. Mais selon l'un des six rescapés sauvés mercredi, d'autres n'ont pas eu cette chance et ont été emportés par les courants.

"La première chose que j'ai vue, c'était une petite fille d'environ cinq ans", a raconté un journaliste de l'AFP à bord du navire de sauvetage.

"Un secouriste a porté la petite fille, j'ai regardé ses pieds et ils étaient très ridés, comme s'ils avaient été immergés dans l'eau pendant longtemps", a-t-il poursuivi. "Elle semblait si faible et déshydratée, mais son visage semblait à nouveau plein d'espoir".

Alors que le canot de sauvetage s'approchait d'eux, des hommes et des enfants se tenaient serrés les uns contre les autres, l'eau déferlant autour de leurs jambes tandis que les sauveteurs attachaient un bout à la coque pour maintenir le canot à proximité.

Paniqués, certains hommes tentaient de sauter dans le semi-rigide, avant que les sauveteurs et certains de leurs compagnons d'infortune ne les calment. D’autres faisaient en sorte de laisser les enfants monter à bord en premier.

Les sauveteurs devaient négocier pour décider qui ramener en priorité. Certains rescapés, trop fatigués, devaient être portés, tandis que d'autres attendaient patiemment leur tour.

\- "Epuisés, traumatisés" -

Une fois à bord du grand navire de sauvetage, en sécurité et protégés du dangereux soleil, certains ont fondu en larmes et se sont embrassés. D'autres Rohingyas, à bout de forces, frissonnaient.

"Ils semblaient épuisés et traumatisés. Les visages des femmes étaient rouges, brûlés par le soleil", a expliqué le journaliste de l'AFP.

Après avoir survécu à ce dramatique épisode, les enfants restaient, eux, assis en silence, buvant de l'eau et mangeant des biscuits.

Un premier groupe de six Rohingyas avait été sauvé mercredi par des pêcheurs et, selon des réfugiés, d'autres pêcheurs avaient promis de les aider à rentrer à terre.

Les 69 rescapés ont regagné la terre ferme jeudi après-midi, une bonne partie d'entre eux étant conduits dans un abri temporaire. Des ambulances attendaient plusieurs autres pour les transporter à l'hôpital.

Selon l'un des survivants, plus d'une centaine de réfugiés étaient à bord quand le bateau a chaviré. Le sort des disparus reste pour le moment inconnu.

Ceux qui ont survécu expliquent que mieux vaut tenter d'atteindre un nouveau pays tout en risquant sa vie plutôt que rester au Banglasdesh.

"Pour les Rohingyas, il n'y a pas de travail" dans les camps, a témoigné Dostgior, un rescapé âgé de 27 ans. "J'aime travailler, mais je n'en ai pas le droit. Que puis-je faire d'autre?"

L'accident s'est produit en plein ramadan, le mois de jeûne musulman. Pendant que les sauveteurs récupéraient les rescapés, un vieil homme s'est agenouillé. Les mains jointes en prière, des larmes ont commencé à couler sur son visage.

© Agence France-Presse