Violet Chachki, une drag queen sur la scène du Crazy Horse

La drag queen américaine Violet Chachki se maquille avant un spectacle au Crazy Horse, le 11 mars 2024 à Paris

By Raphaëlle PELTIER

Paris (AFP) - Violet Chachki, première drag queen invitée à danser au Crazy Horse à Paris, fin juin, y voit une "fierté", un "honneur" et l'opportunité de soutenir "d'autres personnes qui manquent de confiance en elles ou ont l'impression de ne pas être à leur place dans la société".

Jason Dorda, à l'état civil, a grandi à Atlanta, "sorte de Mecque gay du sud des Etats-Unis". Mais sa découverte de la culture drag n'a pas été évidente.

"Je suis allé dans une école catholique, j'avais un uniforme. On me disait que je ne pouvais pas porter certaines choses. Il y avait beaucoup de règles fondées sur le genre", se souvient l'artiste, interviewé par l'AFP début mars. "Donc, pour moi, le drag a toujours été une forme de rébellion, quelque chose de punk".

Une "thérapie" et une "échappatoire" aussi. "Ca m'a beaucoup aidé", confie Violet Chachki, 31 ans, qui pratique depuis 12 ans "l'art de l'illusion féminine". "Maintenant que j'ai une audience à l'international, je peux partager cette thérapie."

Ses deux millions d'abonnés sur Instagram, elle les doit à sa victoire en 2015 dans le célèbre concours télévisé de drag queens RuPaul's Drag Race, diffusé aux Etats-Unis depuis 2009 et qui a sa version française depuis 2022 sur France 2.

Depuis, Violet Chachki s'est fait un nom, adoubée par la star de l'effeuillage burlesque (forme de strip-tease artistique et féministe) Dita Von Teese et des marques de mode comme Moschino, pour laquelle elle a défilé.

Mais quand elle a commencé, le drag était "complètement +underground+, pas du tout une carrière enviable".

C'est Drag Race qui a fait "décoller puis exploser" cette contre-culture, rappelle celle dont le prénom de scène est un hommage à l'héroïne du film "Bound" des soeurs Wachowski (1996), "une histoire d'amour queer".

"C'est le genre de femme qui m'inspire: puissante, qui sait ce qu'elle veut, sensuelle et confiante", développe l'artiste. "Et le violet est la couleur de la royauté, la plus chère à fabriquer... Et une jolie fleur."

\- "Bibelot violet" -

"Chachki" est un mot yiddish dont elle a changé l'orthographe pour le rendre plus facile à prononcer.

"Ce sont des bibelots décoratifs que je collectionne pour les exposer. J'adore l'idée qu'un objet soit purement décoratif et beau, sans aucune autre fonction. C'est pour ça que j'ai choisi ce nom: +bibelot violet+, c'est moi !"

Ses performances scéniques convoquent la danse aérienne, accrochée à des agrès (tissus ou cerceau) suspendus, et le strip-tease burlesque.

Esthétiquement, elle s'inspire des pin-up des années 1950, avec une touche de fétichisme. Quand l'AFP la rencontre, elle porte des talons Louboutin extra hauts, un corset hyper serré sous une robe noire laissant voir ses bras tatoués, un collier strassé en forme de croix et une perruque noir de jais.

Aujourd'hui, "il y a peut-être un peu trop de drag queens. Le milieu est super-saturé et s'est homogénéisé", regrette Violet Chachki.

Mais, "l'explosion du drag fait plus de bien que de mal si les gens en tirent du plaisir, de la joie, une échappatoire, une thérapie, de la confiance", plaide l'artiste. "Ce sont autant d'outils qui aident à naviguer dans une vie qui peut être très, très difficile. Ca l'a été pour moi".

"Et, c'est cliché de le dire mais c'est vrai, la représentation compte énormément, qu'il s'agisse de taille, de poids, d'origine ou de couleur de peau. Rien que sur Internet, ça m'a aidé à l'époque et, aujourd'hui, avec la place prise dans l'espace publique, ça aide encore plus de gens".

Les résistances aussi font partie du métier, estime Violet Chachki. "Très tôt dans ma carrière, une drag queen célèbre m'a dit : +Si tu n'as pas de +haters+ (de détracteurs, NDLR), c'est que tu ne fais pas ce qu'il faut+. Les femmes bien élevées n'ont jamais fait l'Histoire."

"Il faut sans cesse repousser les limites, bousculer certains", répète la drag queen, voix douce et sourire en coin. "Si je ne rencontrais pas de résistance, j'en aurais honte. (...) Provoquer des émotions, que ce soit de l'inspiration ou du dédain, c'est crucial dans mon travail, c'est tout ce qui compte."

© Agence France-Presse