Pérou : en plein "Rolexgate", le Premier ministre demande la confiance du Parlement

Le Premier ministre du Pérou, Gustavo Adrianzen, prononce un discours télévisé après sa prestation de serment le 6 mars 2024

By Carlos MANDUJANO et Luis Jaime CISNEROS

Lima (AFP) - Le nouveau Premier ministre du Pérou, Gustavo Adrianzén, demande mercredi un vote confiance au Parlement au moment où un scandale lié à des montres de luxe fait trembler le fragile gouvernement de la présidente Dina Boluarte.

M. Adrianzén, un avocat de centre droit de 57 ans, a remplacé début mars Alberto Otarola après la démission de ce dernier en raison d'une enquête pour trafic d'influence. Son gouvernement est le troisième en 16 mois.

La Constitution prévoit que dans les trente jours suivant sa nomination, le Premier ministre se présente devant le Parlement pour exposer sa politique générale et demander un vote de confiance.

Dans un discours de près de deux heures, M. Adrianzén a dit vouloir "entreprendre les grandes tâches que le peuple péruvien attend", proposant "une administration aux mains propres, un gouvernement transparent pour faire face à la corruption et à l'inefficacité".

La majorité des sièges au Parlement monocaméral sont occupés par des partis de droite et d'extrême droite, des soutiens de Mme Boluarte. Pour qu'il obtienne la confiance, M. Adrianzén doit recueillir les suffrages de la moitié des 130 membres du Parlement plus un.

Tout porte à croire que la droite la lui octroiera. "Nous devons accorder un vote de confiance pour garantir la gouvernance. Nous sommes dans une situation de crise", a assuré à la presse le député Jorge Montoya, du parti conservateur Renovacion Popular.

Ce vote intervient sur fond d'implication de Mme Boluarte dans plusieurs affaires, dont la dernière en date concerne des faits présumés d'enrichissement illicite liés à des montres Rolex qu'elle est soupçonnée ne pas avoir déclarées dans son patrimoine.

Son domicile, dans la banlieue de la capitale Lima, ainsi que son bureau présidentiel ont été perquisitionnés samedi dans le cadre de ce dossier. Aucune montre n'y a été découverte et le parquet l'a sommée de les apporter au cours d'une convocation devant la justice vendredi.

Mardi, le procureur général Juan Villena a annoncé que l'enquête portait désormais aussi sur des bijoux, dont un bracelet d'une valeur de 56.000 dollars, et des dépôts bancaires de quelque 270.000 dollars entre 2021 et 2022.

Le scandale, baptisé par la presse "Rolexgate", a éclaté le 15 mars, quand un site internet d'information a diffusé une série de photos sur lesquelles on peut voir Mme Boluarte portant différentes montres de luxe lorsqu'elle était au gouvernement en 2021 et 2022.

\- "Arène politique" -

Mme Boluarte, dont la cote de popularité ne dépasse pas les 10% dans les enquêtes d'opinion, a affirmé avoir les "mains propres" et ne posséder qu'une seule montre.

Dans la foulée des perquisitions, six des 18 ministres ont annoncé lundi leur démission du gouvernement. En pleine nuit, Mme Boluarte a fait prêter serment aux six nouveaux ministres nommés en remplacement des sortants.

En vertu de la Constitution, en cas de poursuites, la présidente du Pérou ne pourra être jugée avant juillet 2026, date de la fin de son mandat.

C'est donc dans "l'arène politique, au Parlement", que "va se décider si elle reste à la présidence" ou pas, souligne l'analyste Augusto Alvarez Rodrich.

L'opposition a présenté samedi une demande de destitution pour "incapacité morale permanente". La motion, déposée par Peru Libre, le parti de gauche auquel appartenait Mme Boluarte avant d'accéder à la présidence, est soutenue par 30 parlementaires. Mais pour être débattue, elle doit recueillir les voix de plus de cinquante des 130 membres du Parlement.

Il s'agit de la troisième demande de destitution qu'introduit la gauche contre la cheffe de l'Etat. Aucune n'a encore été soumise à un débat parlementaire.

Dina Boluarte fait aussi l'objet d'une enquête pour "génocide, homicide aggravé et blessures graves" après la mort de plus de 50 personnes pendant les deux mois de troubles sociaux qui ont accompagné son accession à la tête du Pérou.

Elle est devenue présidente après la destitution début décembre 2022 et l'arrestation du chef d'Etat de gauche Pedro Castillo, dont elle était la vice-présidente.

Le Pérou a connu six présidents depuis 2016.

© Agence France-Presse