"Une réussite majeure" : Ylva Johansson s'exprime sur le pacte migratoire européen

Lors d'un entretien exclusif avec Euronews, la commissaire européenne aux Affaires intérieures nous explique comment le nouveau Pacte européen sur la migration et l'asile va renforcer la position de l'UE face au défi migratoire. ©euronews

"Montrons que l'Europe est capable de gérer l'immigration de manière efficace et avec compassion". Tels sont les mots prononcés par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de son discours sur l'état de l'Union, le 13 septembre 2023.

Pour apporter une réponse commune, l'Union européenne vient d'adopter le Pacte sur les migrations et l'asile, un système destiné à "soutenir les États membres qui font face à d'importantes pressions migratoires et qui protègent nos frontières extérieures".

Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, a accordé un entretien à Euronews, dans lequel elle aborde l'implémentation et l'avenir de cette nouvelle législation.

C'est une réussite majeure : c'est la première fois que nous parvenons à adopter une approche européenne commune et globale en matière de migration et d'asile.

Renforcer la position de l'Union européenne

Ylva Johansson se réjouit de la mise en place du pacte, qu'elle qualifie de "réussite majeure". Selon elle, l'adoption de cette législation montre que "la confiance est rétablie entre les États membres, mais aussi entre le Conseil et le Parlement".

"Notre position est désormais bien plus solide en matière de migration et d'asile, à la fois pour mieux protéger les frontières et défendre les droits fondamentaux des demandeurs d'asile et des personnes vulnérables", ajoute-t-elle.

Suite aux récentes déclarations des ministres hongrois et polonais - qui ont laissé entendre qu'ils n'appliqueraient pas le mécanisme de solidarité dans leur pays - la commissaire aux Affaires intérieures est confiante.

"Personnellement, je suis convaincue que les États membres vont mettre le pacte en œuvre assez rapidement. Ils semblent impatients de le faire, et je suis convaincue qu'ils l'appliqueront", affirme-t-elle.

D'après Ylva Johansson, "ceux qui disent "Nous ne ferons pas de relocalisation obligatoire" parlent d'autre chose, parce que ce n'est pas ce qui est prévu dans le pacte".

Lutter contre l'immigration clandestine

Le pacte comprend une "réserve de solidarité", un fonds constitué de donations volontaires des États membres, qui prévoit 30 000 relocalisations par an de migrants clandestins.

Face à l'ampleur du défi migratoire - Frontex a signalé 380 000 entrées illégales dans l'UE en 2023 - et pour mettre un terme aux décès en mer - plus de 3 000 l'année dernière - Ylva Johansson considère la lutte contre les passeurs comme "fondamentale".

A cet effet, elle a lancé une alliance mondiale contre le trafic des migrants en novembre dernier.

"Nous devons également faire en sorte defaciliter l'immigration légale. La société européenne est vieillissante", déclare-t-elle. "Nous avons besoin de migrants, mais ils doivent arriver de manière ordonnée".

Concernant le sauvetage des migrants en mer, la commissaire affirme : "Bien sûr qu'il faut les secourir s'ils sont en détresse. C'est d'ailleurs ce qui se passe".

"Mais nous savons aussi que même si les opérations de sauvetage sont de plus en plus nombreuses, il y a encore beaucoup de vies perdues. C'est pourquoi nous devons empêcher ces voyages dès ledépart".

Faire respecter les droits de l'Homme

La dimension extérieure de la politique migratoire de l'UE comprend un mémorandum avec la Tunisie et un accord avec l'Égypte. Ylva Johansson affirme que la Commission européenne dispose d'un "très grand contrôle" pour s'assurer que "l'argent de l'UE et ce à quoi nous participons ne violent jamais les droits de l'Homme".

*"Nous devons travailler avec nos voisins pour essayer d'améliorer les choses \[\.\.\.\] et pour les aider à relever les défis auxquels ils sont confrontés"*, ajoute\-t\-elle\.

Depuis 2017, l'UE a dépensé 59 millions d'euros pour financer la gestion des frontières et des migrations en Libye, où les garde-côtes sont connus pour leurs violations des droits de l'Homme. La semaine dernière, ils ont tiré sur le bateau d'une ONG européenne qui effectuait une opération de sauvetage.

La commissaire en convient : "La coopération avec la Libye est difficile, c'est vrai. Nous ne pouvons pas ignorer, en particulier, ces horribles centres de détention. Certains d'entre eux sont vraiment dans des conditions inacceptables".

"Nous savons que les conditions de vie y sont très difficiles. C'est pourquoi nous demandons aux Libyens d'opérer des changements, de fermer ces centres et demettre fin à la détention arbitraire des migrants", ajoute-t-elle.

Dans le cadre du mécanisme de transit d'urgence, l'UE achemine les réfugiés libyens vers des États membres ou d'autres pays où ils peuvent être réinstallés en toute sécurité.

Enfin, interrogée sur la décision récente de l'Italie d'externaliser le traitement de certaines demandes d'asile en Albanie - un pays hors-UE - Ylva Johansson précise : "L'initiative concerne les personnes secourues dans les eaux internationales, et non dans les eaux italiennes. Elle consiste à les emmener en Albanie, où leurs demandes d'asile, le cas échéant, seront traitées par les autorités italiennes conformément à la loi italienne".

"Nous verrons comment cela fonctionnera", ajoute-t-elle. Mais selon elle, cette approche est "très spécifique à l'Italie".

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