Ukraine: la Russie poursuit son offensive dans le nord-est, Kiev assure tenir

Une famille évacuée de la région de Vovchansk, dans le nord-est de l'Ukraine, le 12 mai 2024

By Barbara WOJAZER

Rouski Tychky (AFP) - Les combats se poursuivent mardi dans la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine, où l'armée russe a lancé une offensive et s'est emparée de dizaines de kilomètres carrés, Kiev affirmant pour sa part tenir et avoir renforcé la zone.

Les forces russes ont franchi la frontière vendredi et attaquent dans les directions de Lyptsi et de Vovtchansk, deux localités respectivement situées à une vingtaine et une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine.

Cette opération, qui pousse Kiev à mobiliser des renforts, a fait craindre une percée russe face à une armée ukrainienne manquant déjà de ressources.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a néanmoins assuré mardi soir que Kiev menait des "contre-attaques" et que le secteur était renforcé. "Nous détruisons l'infanterie et l'équipement de l'occupant", a-t-il assuré.

Selon M. Zelensky, Kiev a aussi constaté des "activités hostiles", à savoir "des groupes de sabotage" et des "frappes", contre les autres régions frontalières de Soumy et de Tcherniguiv, dans le nord de l'Ukraine.

Ailleurs, dans plusieurs zones soumises à un "intense feu ennemi" sur les axes de Kramatorsk et Pokrovsk dans l'est du pays, les positions de l'armée ukrainienne ont été modifiées afin de "sauver la vie de nos défenseurs", a écrit lundi soir l'état-major ukrainien dans un communiqué sur Facebook.

Dans un entretien à l'AFP, le chef de la sécurité nationale ukrainienne, Oleksandr Lytvynenko, a indiqué que "plus de 30.000" soldats russes attaquaient la région de Kharkiv.

Il a cependant estimé que, pour l'instant, aucune "menace" ne pesait sur la grande cité de Kharkiv, située à une trentaine de kilomètres de la zone des combats et qui comptait près d'un million et demi d'habitants avant l'invasion russe.

\- "Assaut +boucherie+" -

"Ils font des assauts +boucherie+, ils envoient tout leur équipement (...) leurs drones sont très actifs", a affirmé lundi à l'AFP, depuis la localité de Rouski Tychky, un soldat ukrainien membre d'un groupe reprenant des forces après avoir défendu Lyptsi, à 7 km de là.

Ce soldat, qui a refusé de donner son nom, faisait référence aux attaques par vagues, très meurtrières, déjà employées auparavant par la Russie.

Un autre militaire de ce groupe a affirmé que des bombes aériennes guidées russes tombaient massivement dans la zone, comme "la pluie en Angleterre".

"La situation est sous contrôle, mais c'est très relatif (...) tout pourrait changer d'une minute à l'autre", a-t-il affirmé, également sans donner son nom, en appelant les alliés occidentaux de Kiev à fournir plus d'armements.

Plus tôt, lundi, le gouverneur de la région, Oleg Synegoubov, a affirmé que plus de 30 localités avaient été touchées par des tirs d'artillerie.

Il a précisé que 5.762 habitants au total ont été évacués de ces zones depuis le début des combats. Le départ d'environ 1.600 autres personnes était prévu pour lundi, en dépit d'une "situation assez compliquée", selon lui.

Selon la chaîne Telegram DeepState, proche de l'armée ukrainienne, les Russes sont parvenus à occuper une bande d'environ 70 km2 dans la région de Lyptsi et une autre de 34 km2 vers Vovtchansk.

En parallèle, une personne a été tuée et trois autres blessées dans une frappe sur une ferme d'un village à l'ouest de Kharkiv, à une trentaine de kilomètres de la zone des combats, ont annoncé les autorités régionales.

\- "Tellement l'horreur" -

Kateryna Stepanova, 74 ans, évacuée de Lyptsi avec son fils, a affirmé à l'AFP être partie en urgence. "C'est tellement l'horreur ce qui se passe là-bas. Mais qu'est-ce qu'ils font ces idiots? Les maisons sont en feu."

Selon la chaîne Telegram Rybar, proche de l'armée russe, après quatre jours d'offensive, "aucune percée à grande échelle des défenses ennemies n'a été enregistrée".

"Après avoir dégagé la zone frontalière +grise+, les unités d'assaut russes se sont concentrées sur la pénétration dans les bastions et les lignes défensives des forces armées ukrainiennes", affirme la chaîne lundi.

Les autorités ukrainiennes prévenaient depuis des semaines que Moscou pourrait tenter d'attaquer les régions frontalières du nord-est de l'Ukraine, confrontée à des retards dans l'aide occidentale et un manque de soldats.

Les Etats-Unis ont assuré à ce propos faire "tout ce qui est humainement possible" pour fournir rapidement des armes à l'Ukraine, a déclaré lundi Jake Sullivan, le conseiller du président américain Joe Biden. Une nouvelle enveloppe d'aide va être annoncée "dans les prochains jours", afin d'accélérer le "rythme des livraisons", a ajouté M. Sullivan.

Cette avancée russe intervient au moment où, à Moscou, le président russe Vladimir Poutine a procédé, dimanche soir, à un remaniement surprise et remplacé son emblématique ministre de la Défense Sergueï Choïgou, après deux ans de conflit en Ukraine sans issue claire.

"Il s'agit d'une nouvelle indication de la volonté désespérée de Poutine de poursuivre sa guerre d'agression contre l'Ukraine, en dépit du fait qu'elle représente une importante charge pour l'économie russe et qu'elle entraîne de lourdes pertes pour les troupes russes", a commenté lundi à la presse Vedant Patel, le porte-parole du département d'Etat.

Le nouveau ministre, Andreï Belooussov, a une formation d'économiste et - comme M. Choïgou quand il a été nommé à ces fonctions en 2012 - aucun bagage militaire.

A l'intérieur de la Russie et dans les zones d'Ukraine occupées, les Ukrainiens ont multiplié les frappes, en particulier sur les infrastructures énergétiques.

Au moins quatre personnes ont été tuées et neuf blessées lundi, dans des bombardements imputés à l'Ukraine dans la région occupée de Lougansk (est) et dans celle russe de Koursk, ont annoncé les autorités russes.

L'Ukraine a par ailleurs revendiqué lundi avoir frappé un terminal pétrolier et une sous-station électrique respectivement dans les régions de Belgorod et de Lipetsk, dans l'ouest de la Russie, non loin de la frontière ukrainienne.

© Agence France-Presse