Fin du procès de l'accident du TGV Est, décision le 10 octobre

Des secours sur le site du déraillement d'une rame d'essai de TGV à Eckwersheim, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhin

By Alain JEAN-ROBERT

Paris (AFP) - Le procès de l'accident du TGV Est, qui a causé la mort de 11 personnes et fait 42 blessés près de Strasbourg lors d'une campagne d'essais le 14 novembre 2015, s'est clos jeudi sans qu'aucun des mis en cause reconnaisse sa responsabilité.

La présidente de la 31e chambre du tribunal judiciaire de Paris, Marie Debue, a fixé la date du délibéré au 10 octobre.

Derniers à s'exprimer, les avocats des trois sociétés mises en cause: la SNCF, Systra – la société chargée d'organiser les essais – et SNCF-Réseau – gestionnaire de la voie sur laquelle ils se déroulaient, ont, sans surprise, réclamé la relaxe de leur client.

"Est-ce que ce serait courageux de dire pardon et de plaider coupable sans y croire?", a demandé Philippe Goossens, avocat de Systra. "Ce serait manquer de respect au tribunal et aux parties civiles", a-t-il ajouté avant de plaider la relaxe de son client.

"Ce n'est pas la faute de Systra (...), il y a eu une erreur horrible qui n'est pas imputable à Systra", a-t-il insisté en rejetant implicitement la "faute" ayant conduit à l'accident sur l'équipe de conduite.

Emmanuel Marsigny, avocat de la SNCF, a déploré quant à lui "le procès d'intention" fait à son client.

"Des erreurs, des manquements ont été commis", a-t-il admis, mais "créer les conditions du risque en conduite est blâmable et coupable", a-t-il ajouté en visant Systra, filiale de la RATP et de la SNCF.

"Les accusations ne sont pas fondées. La SNCF n'est pas coupable", a-t-il conclu.

Mardi, les avocats des trois personnes physiques poursuivies: Denis T., le conducteur du TGV, Francis L., son collègue chargé de lui indiquer les points de freinage et Philippe B., un technicien de Systra chargé de signaler au conducteur les particularités de la voie, avaient également plaidé la relaxe.

Les six prévenus sont jugés pour homicides et blessures involontaires par "maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité".

Les personnes physiques encourent jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Les trois sociétés encourent chacune une amende de 225.000 euros.

Dénonçant un "aveuglement collectif" et "une série de décisions absurdes", le procureur de la République, Nicolas Hennebelle, a demandé au tribunal de reconnaître la culpabilité de cinq des six prévenus.

Il a réclamé un an de prison avec sursis contre Denis T. et deux ans de prison avec sursis contre Francis L. dont il a fustigé "le total manque de rigueur".

Francis L., visiblement choqué pendant les réquisitions, a été hospitalisé d'urgence à leur issue et était absent lors des deux dernières audiences.

\- "ça ne ramènera pas notre fils" -

Seul Philippe B. a échappé à la vindicte du parquet. Pour le procureur, il n'a joué aucun rôle dans la détermination d'un point de freinage trop tardif à l'approche d'un virage serré.

Ce point de freinage trop tardif constitue "la cause directe" du déraillement de la rame d'essai de la Ligne à grand vitesse Est européenne (LGVEE).

Contre les trois sociétés à qui il est reproché notamment "une carence dans l'évaluation des risques", le procureur a réclamé de fortes amendes: 225.000 euros contre Systra, soit le maximum encouru et 200.000 et 150.000 euros à l'encontre de la SNCF et SNCF-Réseau, multipliés par deux en raison de l'état de récidive légale de ces deux entités, soit 400.000 et 300.000 euros.

"C'est tout à fait normal que les prévenus soient reconnus coupables" si le tribunal suit les réquisitions, "c'est logique (...) mais ça ne va pas nous ramener notre fils", a confié Jacques Landais, le père de Jérémy, un ingénieur de SNCF-Réseau mort dans l'accident à l'âge de 27 ans.

Durant les neuf semaines de procès, les mis en cause n'ont cessé de se renvoyer les fautes les uns sur les autres. Ce déni systématique a souvent exaspéré les endeuillés et rescapés.

Le TGV, qui effectuait des tests sur l'ultime portion de la ligne à grande vitesse entre Paris et Strasbourg avant son ouverture au public, a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit.

Il a déraillé 200 mètres plus loin, heurtant le parapet du pont au-dessus du canal de la Marne au Rhin à la hauteur d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, à une vitesse estimée de 243 km/h.

Il transportait 53 personnes dont 35 "invités".

Cet accident demeure la pire catastrophe de l'histoire du TGV.

© Agence France-Presse