Le nouveau président de Taïwan s'engage à défendre la démocratie face à la Chine

Le nouveau président de Taïwan Lai Ching-te lors de son investiture, le 20 mai 2024 à Taipei

By Dene-Hern Chen and Amber Wang

Taipei (AFP) - Le nouveau président de Taïwan Lai Ching-te a promis d'y défendre la démocratie face aux menaces chinoises et appelé la Chine à "cesser ses intimidations politiques et militaires", après avoir prêté serment lundi.

Pékin, qui a dans le passé qualifié M. Lai de "dangereux séparatiste", a répondu quelques heures plus tard en affirmant que, de par ses propos, il avait adressé un "signal dangereux".

Dans son discours d'investiture au palais présidentiel de Taipei, Lai Ching-te a évoqué de manière directe le risque de guerre après des années d'une pression croissante exercée par la Chine pour que Taïwan passe sous son contrôle.

Le nouveau président a remercié les Taïwanais d'avoir résisté à l'influence des "forces extérieures" et d'avoir "résolument défendu la démocratie".

"Face aux nombreuses menaces et tentatives d'infiltration, nous devons montrer notre détermination à défendre notre nation, nous devons également accroître notre préparation à la défense et renforcer notre cadre juridique en matière de sécurité nationale", a relevé M. Lai, 64 ans, après avoir pris ses fonctions.

Issu des rangs du Parti démocrate progressiste (PDP) qui milite pour la souveraineté de Taïwan tout comme la nouvelle vice-présidente, Hsiao Bi-khim, M. Lai s'est qualifié dans le passé d'"ouvrier pragmatique" oeuvrant à l'indépendance.

Mais il a depuis adouci ses propos, promettant lundi que son gouvernement "ne cédera pas, ne provoquera pas et maintiendra le statu quo", c'est-à-dire un équilibre qui préserve la souveraineté de l'île sans pour autant officiellement proclamer son indépendance.

\- Maintenir la paix -

"Je veux également appeler la Chine à cesser ses intimidations politiques et militaires à l'encontre de Taïwan", a-t-il martelé.

Pékin doit "partager avec Taïwan la responsabilité envers le monde du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan", a-t-il plaidé.

M. Lai a tenté à plusieurs reprises de rouvrir le dialogue avec la Chine, que cette dernière a rompu en 2016.

Le nouveau président a dit lundi espérer que la Chine privilégierait "le dialogue aux dépens de la confrontation".

Quelques heures plus tard, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a souligné que "l'unification de la Chine" était "irréversible".

"Le comportement sécessionniste des forces indépendantistes de Taïwan constitue le défi le plus sérieux pour l'ordre international et le changement le plus dangereux pour le statu quo dans le détroit de Taïwan", a-t-il lancé sans nommer M. Lai.

Le bureau chinois des affaires taïwanaises, qui gère les questions liées au détroit, a aussi fustigé son discours d'investiture, estimant qu'il envoie "un signal dangereux" et le qualifiant de "provocation visant à saper la paix et la stabilité entre les deux rives du détroit".

Taïwan est gouverné de manière autonome depuis 1949, lorsque les nationalistes s'y sont réfugiés après leur défaite face aux communistes dans la guerre civile en Chine continentale.

\- Relations privilégiées avec les Etats-Unis -

Si, en 1979, les Etats-Unis ont établi des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, au détriment de Taïwan, ils sont restés son partenaire le plus important et son principal fournisseur d'armes.

M. Lai devrait renforcer davantage encore les liens en matière de défense avec Washington au cours de son mandat de quatre ans.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a félicité M. Lai, dont l'investiture est, selon lui, le signe d'un "système démocratique résilient". Il a dit espérer que les Etats-Unis et Taipei puissent renforcer leurs relations et maintenir la "paix et la stabilité" dans la région du détroit de Taïwan.

En revanche, la Russie a accusé lundi Washington d'"envenimer la situation".

"Les forces séparatistes de l'île, soutenues par les pays occidentaux menés par les États-Unis, créent des circonstances destinées à semer la discorde entre les deux rives du détroit de Taïwan", a ainsi jugé la porte-parole du ministère russe des Affaires Étrangères Maria Zakharova.

Concomitamment, la Chine a dévoilé lundi de nouvelles sanctions contre trois entreprises américaines vendant des armes à Taïwan.

Et les avions des forces aériennes et les navires de guerre chinois maintiennent une présence quasi quotidienne autour de l’île.

Vers 19h00 heure locale (11h00 GMT), le ministère taïwanais de la Défense a annoncé que huit bâtiments de la marine chinoise avaient été détectés autour de Taïwan au cours des 13 dernières heures.

\- Défis intérieurs -

En signe de soutien, huit chefs d'Etat, des rares nations qui reconnaissent Taïwan, ont participé à la cérémonie d'investiture.

Plus de 40 autres pays, dont les États-Unis, le Japon et le Canada, ont également envoyé des délégations.

Taïwan a son propre gouvernement, son armée et sa monnaie et la majorité de ses 23 millions d’habitants se considèrent comme ayant une identité distincte de celle des Chinois.

"Je pense qu'il est préférable de ne pas être trop proche ni trop éloigné de la Chine. Il est préférable de maintenir un sentiment de neutralité", a estimé Shen Yujen, 24 ans, qui accomplit son service militaire de quatre mois.

Au niveau national, M. Lai est confronté à un autre défi après que son parti a perdu la majorité au Parlement aux élections de janvier, ce qui signifie qu'il lui sera difficile de faire adopter sa politique.

De nombreux Taïwanais s’inquiètent moins de la menace d’un conflit que de la flambée des prix de l’immobilier, de la hausse du coût de la vie et de la stagnation des salaires.

M. Lai s'est engagé lundi à "accroître les investissements dans la société" et à faire en sorte que l'île devienne une "force pour la prospérité mondiale".

© Agence France-Presse