Rendez-vous avec l'Histoire pour ces Américains qui ont vécu le procès Trump de l'intérieur

Journalistes et public font la queue pour pouvoir assister au procès de Donald Trump au tribunal de Manhattan, à New York, le 16 mai 2024

By Andréa BAMBINO

New York (AFP) - Ils voulaient voir "l'Histoire" se dérouler sous leurs yeux: à New York, quelques rares Américains ont vécu le procès de Donald Trump depuis la salle d'audience, allant pour certains jusqu'à débourser des centaines de dollars pour s'éviter des heures de queue.

"C'est l'une des expériences les plus fascinantes et intéressantes de ma vie", résume Richard Partington, un professeur de la région, venu de plus en plus tôt pour être le premier dans la file d'attente. Jusqu'à s'installer dès samedi, sac de couchage et tapis sous le bras, au pied du tribunal de Manhattan, pour la reprise des débats lundi.

Passé les contrôles, au bout d'un vieux couloir peu accueillant et éclairé aux néons au quinzième étage du bâtiment, cet enseignant a été l'un des rares qui ont eu le privilège de s'asseoir sur les bancs en bois de la salle d'audience, pour assister au premier procès pénal d'un ancien président des Etats-Unis.

Un procès historique, mais non télévisé, en vertu des lois de l'Etat de New York.

"Il y a une part de vérité que l'on perçoit vraiment quand on est dans la salle d'audience, quand on voit Donald Trump passer huit fois par jour, quand on voit le juge, le jury...", explique le professeur de 43 ans.

"Le résultat de ce procès fera probablement basculer l'élection (présidentielle) dans un sens ou dans l'autre", poursuit-il, sans cacher sa peur d'un "second mandat de Donald Trump". "Je veux y être", ajoute-t-il.

\- "De mes propres yeux" -

Alors que le procès a charrié, chaque jour, des grappes de militants bruyamment pro ou anti-Trump au pied du tribunal, des centaines d'Américains ont aussi fait des heures de queue, nuit et jour, pour "voir l'Histoire se faire", comme le dit dans la file d'attente Peter Osetek. Cet avocat à la retraite venu de San Diego, à l'autre bout du pays, est de passage à New York pour voir son fils.

"Un ancien président des Etats-Unis comparaît en procès et ce n'est pas télévisé. Je veux le voir de mes propres yeux", ajoute Justin Ford, un informaticien de 42 ans, venu en pleine nuit du Connecticut, au nord de New York. Il semble connaître l'affaire des paiements dissimulés à l'actrice de films X Stormy Daniels sur le bout des doigts, lisant avidement les verbatim des débats, diffusés sur le site internet de la cour.

Mais dans le prétoire, les bancs sont surtout réservés aux journalistes, laissant six à huit places pour le public. Le procès est retransmis dans une autre salle d'audience, au même étage, permettant d'accueillir une trentaine de personnes hors médias.

Au pied de l'édifice, c'est la règle du "premier arrivé premier servi" qui prévaut, alimentant un commerce singulier. Pour environ 50 dollars de l'heure, une entreprise envoie ses employés faire la queue à votre place. Dans la file d'attente, certains racontent aussi que les meilleurs emplacements ont été revendus jusqu'à 2.000 dollars sous le manteau, quand l'ennemi juré de Donald Trump - Michael Cohen - a témoigné.

Une sélection par l'argent "plutôt triste", déplore Justin Ford, qui n'a finalement pas pu entrer au tribunal malgré des heures de queue.

\- Le prix à payer -

Funke Sangodeyi a elle déboursé quelque 700 dollars pour vivre cette expérience dans la salle de retransmission. Pour cette "accro totale à la politique", "voir le système judiciaire américain demander des comptes à un président" et "faire partie de ce moment crucial de notre histoire" n'avait pas de prix.

Comme la plupart des personnes interrogées, cette consultante de 48 ans qui habite Brooklyn voit la justice comme un rempart pour empêcher Donald Trump de revenir à la Maison Blanche. Elle espère qu'une condamnation lui coûtera des voix décisives. Mais ce qui compte surtout, aux yeux de Cindy Mobley, venue de Baltimore, à 2H30 de train, "c'est que personne ne soit au-dessus des lois".

"J'ai l'impression que c'est la dernière chose qui nous tient ensemble", ajoute cette pédiatre de 64 ans, qui a passé une partie de la nuit dans son sac de couchage, au pied du tribunal.

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