Les groupes d'extrême droite du Parlement européen s'uniront, selon Anders Vistisen

Le débatteur en chef d'Identité et Démocratie, Anders Vistisen, parle à Euronews, mardi 21 mai. ©Euronews 2024

L'homme qui mène la campagne électorale du parti d'extrême droite Identité et Démocratie (ID) est persuadé que les deux groupes populistes du Parlement européen s'uniront pour former un ensemble uni au cours de la prochaine législature.

Dans un entretien accordé à Euronews mardi, Anders Vistisen a précisé qu'il pensait qu'il n'y avait pas de fossé politique substantiel entre son groupe - qui abrite le Rassemblement national de Marine Le Pen, la Lega italienne et Alternative für Deutschland (AfD) allemande - et les Réformistes et Conservateurs européens (CRE), qui cherchent à se présenter comme moins radicaux que leurs homologues d'Identité et Démocratie.

CRE comprend des partis comme Vox en Espagne et Droit et Justice (PiS) en Pologne, Fratelli d'Italia de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, et le Parti démocratique civil (ODS) du Premier ministre tchèque Petr Fiala. Ces deux derniers sont présentés de manière controversée comme des partenaires potentiels de la formation de droite, le Parti populaire européen (PPE) d'Ursula von der Leyen, à l'issue du scrutin de juin,. Ces rumeurs signalent que le cordon sanitaire avec l’extrême-droite pourrait disparaître.

"Ce qui ne va pas, à mon avis, c'est qu'il y a deux groupes à droite, et je pense que cela a plus à voir avec de grandes personnalités dans certains des plus grands partis qu'avec des différences politiques", assure Anders Vistisen, qui vient du Parti populaire danois, à Euronews.

"Il n'y a pas plus de division politique entre ID et CRE que ce que l'on peut voir au sein du PPE, du S&D ou du parti Renew, par exemple."

Interrogé sur la possibilité pour les deux formations de former un groupe uni au Parlement européen, Anders Vistisen répond "que nous verrons cela un jour (...) Je pense que peut-être pas seulement après cette élection, mais je pense que l'élection présidentielle française qui aura lieu dans quelques années (en 2027) pourrait être un moment très intéressante à regarder."

Anders Vistisen s'est exprimé quelques heures avant qu'une crise n'éclate au sein de son de son groupe. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a indiqué qu'il ne siégerait plus avec Alternative für Deutschland (AfD) dans l’hémicycle suite aux commentaires sur les SS de sa tête de liste, Maximilian Krah. Ces propos ont entrainé la démission de Maximilian Krah du conseil exécutif fédéral de son parti.

Après son interview à Euronews, Anders Vistisen a déclaré sur le réseau social X que Maximilian Krah, qui restera tête de liste de l'AfD lors du scrutin de juin, avait "montré par ses déclarations et ses actions qu'il n'appartenait pas au groupe ID".

"Si l'AfD ne profite pas de la situation et ne se débarrasse pas de M. Krah, la position du DF (Parti populaire danois) est que l'AfD doit quitter le groupe ID", a ajouté Anders Vistisen.

Interrogé quelques heures plus tôt sur les profondes divisions au sein d’ID et si le mécontentement croissant face aux positions de plus en plus extrémistes de l'AfD pouvaient inciter les partis membres à rejoindre CRE, Anders Vistisen a défendu l'unité de sa formation.

"Non, je ne vois pas vraiment cela. Je pense qu'il s'agit d'un faux discours", répond-il.

Anders Vistisen affirme que des divisions plus profondes pouvaient être observées au sein de CRE, en particulier en ce qui concerne leur position sur l'Ukraine, ajoutant que le PiS polonais - qui soutient fermement l’aide de l'UE Kyiv - avait invité le Rassemblement national et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán au sein de leur parti européen malgré leur scepticisme à l'égard d'un soutien militaire à l'Ukraine.

Une source du Rassemblement national a déclaré à Euronews que le parti de Marine Le Pen souhaitait rejoindre le même groupe que le Fidesz de Viktor Orbán, qui n'appartient actuellement à aucun groupe politique européen après avoir été forcé de quitter le PPE en 2021.

Vistisen n'a pas été payé par Voice of Europe

Cette dernière débâcle fait suite à de multiples controverses autour de l'AfD qui ont agité le groupe ID. En janvier, des personnalités de l'AfD auraient rencontré des groupes néo-nazis pour discuter des plans d'expulsion de millions d'immigrés, y compris certains ayant la citoyenneté allemande, ce qui a provoqué un malaise au sein de leur famille européenne, selon des sources d'Euronews.

L'assistant de Maximilian Krah a été arrêté le mois dernier, soupçonné d'espionnage pour le compte de la Chine, tandis que Petr Bystron, deuxième sur la liste de l’AfD, est accusé d'avoir reçu jusqu'à 20 000 euros en espèces de la Russie, dans le cadre d'une enquête sur une opération d'influence pro-Kremlin présumée.

Anders Vistisen admet être "toujours préoccupé par les influences extérieures" et a promis que si les investigations concluaient à la culpabilité des candidats et que l'AfD ne suspendait pas leur adhésion, le bureau de son parti européen prendrait l'affaire en main.

Mais il défend la décision de ne pas prendre de mesures immédiates en réponse aux allégations d'ingérence étrangère au sein de son parti.

"_M. Krah est passé par l'organe d'éthique du Parlement européen, qui n'a pas recommandé l'une des sanctions à sa dispositio_n", explique Anders Vistisen.

"Si ses adversaires politiques n'ont pas recommandé de sanction, il est très difficile pour nous, en tant que groupe politique, de sanctionner dans ce contexte, mais je suis très heureux que l'AfD ait déjà stipulé que si ces allégations étaient fondées, elle suspendrait à elle seule l'adhésion de M. Krah à l'AfD et qu'il ne serait donc plus membre du groupe ID".

Le média, Voice of Europe, au cœur de l'enquête menée par un procureur belge, est désormais inscrit sur la liste noire de l'Union européenne.

Interrogé sur le fait de savoir s'il a été payé pour une interview individuelle qu'il a accordée à Voice of Europe au début de l'année, Anders Vistisen nie catégoriquement.

"Non, bien sûr que non. Cette interview a été organisée dans les mêmes conditions que la présente. On m'a demandé de donner une interview et je l'ai fait. C'est mon travail en tant qu'homme politique", répond le candidat.

"J'ai des antécédents impeccables en matière de fermeté vis-à-vis de la Russie et de la Chine. Personne n'en a jamais douté. Donc parfois, ces allégations sont, bien sûr, utilisées politiquement (...) Je pense qu'on peut facilement être soi-même sans répandre de fausses nouvelles".

Le manque de soutien de l'UE prive l'Ukraine d'une "chance de se battre"

Anders Vistisen critique vivement l'Union européenne pour ce qu'il appelle son incapacité à "prendre les devants" lorsqu'il s'agit de fournir à Kyiv l'aide militaire et l'équipement dont le pays a besoin pour résister à l'invasion de la Russie.

"Je conteste la perception selon laquelle l'Europe a été très favorable à l'Ukraine", précise-t-il.

"Lorsqu'il s'agit d'actions concrètes, elle est à la traîne. Non, si les Américains n'étaient pas là pour aider les Ukrainiens, la guerre serait perdue pour eux parce que l'Europe ne s'est pas montrée à la hauteur", ajoute-t-il.

"Je pense que si l'Ukraine devait avoir une chance de repousser la Russie, à travers les frontières d'avant l'invasion russe de la Crimée, l'aide militaire est bien trop insuffisante et bien trop tardive, malheureusement".

Il a néanmoins rejeté la perspective que l'Ukraine rejoigne l'Union en tant qu'Etat membre à part entière, affirmant que les dirigeants de l'UE essayaient d'imposer des délais pour accélérer l'adhésion de Kyiv.

"Ce sont les mêmes forces qui se plaignent de l'Etat de droit en Hongrie (...) qui disent maintenant qu'il faut accélérer une procédure où nous laissons entrer des pays dont le bilan est bien pire que celui de la Hongrie d'Orbán en ce qui concerne nombre de ces critères", affirme Anders Vistisen.

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