Délinquance: Attal redit vouloir une loi sur la comparution immédiate dès 16 ans

Le Premier ministre Gabriel Attal à Valence, dans le Tarn-et-Garonne, le 24 mai 2024

By Daniel ABELOUS, avec Anne RENAUT et Marie DHUMIERES à Paris

Valence (AFP) - Gabriel Attal persiste et signe: le Premier ministre a redit vendredi souhaiter qu'une loi soit votée "avant la fin de l'année" pour permettre notamment une "comparution immédiate" des jeunes à partir de 16 ans, une mesure pourtant décriée par les magistrats.

Le Premier ministre avait annoncé le 19 avril à Viry-Châtillon (Essonne) une série de propositions pour faire face à "l'addiction à la violence" de certains jeunes, appelant à un "sursaut d'autorité". Il s'était exprimé après la mort de Shemseddine, 15 ans, passé à tabac près de son collège, un événement qui avait soulevé une immense émotion.

Le chef du gouvernement avait alors lancé des concertations sur la justice des mineurs et promis un "point d'étape" au bout de quatre semaines.

A Valence (Drôme), il a souhaité "aller plus vite et plus fort pour mettre fin au sentiment d'impunité qui peut exister chez nos jeunes", après avoir installé dans la ville des Forces d'action républicaines (FAR), composées de policiers, d'officiers de police judiciaire, de personnels éducatifs et travailleurs sociaux, pour sécuriser les quartiers. Les FAR avaient été lancées après les émeutes de l'été 2023.

Il a réaffirmé dans des déclarations écrites à l'AFP, puis à Valence, vouloir mettre en place "une forme de comparution immédiate" pour les jeunes de plus de 16 ans, notamment "dans les cas de violence aggravée", "quand vous êtes récidiviste".

\- "Principes constitutionnels" -

Le chef du gouvernement souhaite que cette loi soit "votée avant la fin de l'année".

"Certains disent qu'il ne faut pas retoucher au code de justice pénale des mineurs (CJPM). C'est vrai que le premier bilan du CJPM est positif. Cette réforme a permis de raccourcir les délais de jugement", pour autant cela "ne doit pas nous empêcher de regarder d'ores et déjà s'il nous faut compléter, enrichir, donner des outils supplémentaires aux magistrats", détaille-t-il.

Les syndicats de magistrats se montrent critiques.

"On ne doit pas juger les mineurs comme des majeurs", estime auprès de l'AFP Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union Syndicale des Magistrats (USM), qui voit "difficilement" comment une telle mesure pourrait être constitutionnelle.

Il souligne aussi que les délais de jugement en matière de justice des mineurs ont déjà été largement raccourcis, mais que "le problème" vient des délais d'exécution de la peine, qui peuvent parfois prendre plusieurs mois.

Sur les "atténuations à l'excuse de minorité" dans les condamnations pénales, qui fait qu'un mineur est sanctionné moins sévèrement qu'un majeur, Gabriel Attal admet "qu'il n'y a pas de consensus", mais veut "avancer pour cela".

Comparution immédiate et atténuation de l'excuse de minorité sont des "lignes rouges" pour l'USM qui pointe un "manque de moyens criant" pour la justice des mineurs.

L'atténuation de la responsabilité pénale due à l'âge est "un principe à valeur constitutionnelle", revenir dessus "amènerait la France à rompre avec ses engagements internationaux et en particulier la convention internationale des droits de l'enfant", selon le collectif "Justice des enfants", qui réunit les principales organisations professionnelles de l'enfance dans le monde judiciaire et associatif.

\- "Séjours" en foyer -

Le Premier ministre a aussi évoqué la possibilité de placer les jeunes délinquants pour de "très courts séjours", en foyer. Objectif: "couper le jeune de ses mauvaises fréquentations" et permettre "aux services d’évaluer la situation".

Mais un tel placement est "déjà parfaitement possible", explique Alice Grunewald, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. "La grande difficulté est de trouver une place en foyer, c'est ça qui bloque".

Sur la responsabilisation des familles, il reste disposé, pour les parents "défaillants", à ce que la peine de travaux d'intérêt général, qui existe déjà à titre principal, puisse être encourue "à titre de peine complémentaire" quand un parent se soustrait à ses obligations légales", ce qui voudrait dire en complément d'une autre peine comme la prison.

"C'est un pur effet d'annonce, et ça ne changera rien à la pratique judiciaire puisqu'il est déjà possible de prononcer du travail d'intérêt général" pour cette infraction, réagit Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature, classé à gauche.

Gabriel Attal entend enfin développer les politiques de "soutien à la parentalité" en expérimentant le dispositif "parcours parents" dans dix départements en 2024. L'objectif est que 30% des parents soient accompagnés d’ici 2027, contre 4% actuellement.

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