Géorgie : la présidente et le premier ministre s'écharpent au sujet de la "loi russe"

La présidente Salomé Zourabichvili et le premier ministre Irakli Kobakhidze assistent à la célébration du Jour de l'Indépendance à Tbilissi, le 26 mai 2024. ©Shakh Aivazov/Copyright 2024 The AP. All rights reserved

La présidente et le premier ministre géorgiens ont échangé des piques personnelles au sujet d'une loi sur "la transparence de l'influence étrangère", à l'occasion de la fête de l'indépendance de ce pays caucasien.

Les Géorgiens ont commémoré ce dimanche les 106 ans de la déclaration d'indépendance de l'Empire russe.

Mais la célébration de cette année intervient sur fonds de tensions autour la loi controversée que les critiques considèrent comme une menace pour la démocratie et obstacle à l'intégration européenne de la Géorgie, en pointant du doigt une législation très similaire utilisée pour étouffer les voix dissidentes en Russie.

Dans son discours, la présidente ouvertement pro-européenne (et ancienne diplomate française) Salomé Zourabichvili a déclaré que "le destin de notre pays est entre nos mains".

Aujourd'hui, alors que le spectre de la Russie plane sur nous, le partenariat et le rapprochement avec l'Europe sont la véritable voie pour préserver et renforcer notre indépendance et notre paix. Ceux qui sabotent et sapent cette voie piétinent et endommagent l'avenir pacifique et sûr de notre pays, entravant le chemin vers l'accession au statut de membre à part entière du monde libre et démocratique.

Le premier ministre géorgien Irakli Kobakhidze a répliqué en déclarant que son gouvernement protégeait "la souveraineté et l'indépendance de la Géorgie".

C'est l'unité et les mesures raisonnables du peuple et de son gouvernement élu qui nous ont permis de maintenir la paix dans le pays au cours des deux dernières années, malgré les menaces existentielles et les multiples trahisons, y compris la trahison du président de la Géorgie.

Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, se déclare attaché à un engagement européen du pays, mais son fondateur et "l'homme de l'ombre" de la politique géorgienne, l'oligarque Bidzina Ivanichvili, a fait sa fortune personnelle (qui représente un tiers du PIB national, selon les médias) en Russie. Le gouvernement, officiellement en froid avec Moscou depuis la guerre de 2008, est aussi accusé de refouler certains opposants russes qui chercheraient refuge en Géorgie depuis l'invasion de la Russie en Ukraine.

Législation controversée

La législation controversée qui a suscité des semaines de protestations a été adoptée par le Parlement au début du mois.

Elle exige que les médias et les organisations non gouvernementales s'enregistrent comme "poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère" s'ils reçoivent plus de 20 % de leur budget de l'étranger.

Les manifestants estiment que cette loi est antidémocratique et qu'elle pourrait compromettre les chances du pays d'adhérer à l'Union européenne.

"La démocratie géorgienne est sérieusement entamée en raison de la mainmise de l'oligarchie sur l'État et de l'influence accrue de la Russie. La raison principale pour laquelle ces gens descendent dans la rue est de récupérer notre pays et de faire en sorte que la trajectoire démocratique de la Géorgie reste intacte", estime Batu Kutelia, chercheur principal du programme Eurasie du Foreign Policy Research Institute.

La semaine dernière, le président a opposé son veto au projet de loi, le qualifiant dans une interview à Euronews comme "sabotage de [notre] voie européenne".

Mais le Rêve géorgien dispose d'une majorité suffisante au Parlement pour passer outre ce veto, et l'on s'attend largement à ce qu'il le fasse.

L'Union européenne, les structures du Conseil de l'Europe ou aussi l'OTAN ont mis Tbilissi en garde contre l'adoption de la loi et ont demandé son abrogation.

© Euronews