Astrig Siranossian, la violoncelliste qui veut rendre hommage aux compositrices

La violoncelliste Astrig Siranossian, le 6 mai 2024, à Paris

By Karine PERRET

Paris (AFP) - Ce sont les notes de son violoncelle que l'on a entendu retentir lors de la "panthéonisation" du résistant Missak Manouchian en février: Astrig Siranossian est une artiste virtuose et engagée, qui a à coeur de faire découvrir des pièces oubliées et des compositrices.

"Le violoncelle est pour moi l'instrument des émotions hyperintenses", dit à l'AFP la musicienne française d'origine arménienne, 35 ans, qui lance vendredi à Trouville-sur-Mer (Calvados) la première édition d'un festival dédié à Nadia et Lili Boulanger.

Ces deux soeurs compositrices, nées à la fin du XIXe siècle et qui ont laissé une empreinte significative dans le monde de la musique classique, "ont quand même été mises de côté pendant de très nombreuses années", constate la jeune femme, qui a fait des recherches pendant plusieurs années.

Pourtant, Nadia Boulanger eut parmi ses élèves et disciples de grands noms comme "George Gershwin, Michel Legrand ou encore Quincy Jones !", remarque-t-elle. Et "Lili fut la première femme à avoir remporté le premier grand prix de Rome de composition" en 1913.

D'où l'envie de "donner de la place" à ces "figures inspirantes", alors que des études montrent que les compositrices demeurent encore largement sous-représentées dans les programmations consacrées à la musique classique.

En 2020, Astrig Siranossian enregistre un disque, "Dear Mademoiselle", en hommage à Nadia Boulanger, avec Daniel Barenboïm et Nathanaël Gouin au piano.

Pas supplémentaire, le festival de Trouville, où elle interprètera, avec ses complices, les "Trois pièces pour violoncelle et piano" de cette compositrice. Ainsi que la "Sonate pour violoncelle et piano" de Marcelle Soulage (élève de Nadia), "jamais jouée" ces dernières décennies "ni enregistrée", souligne la jeune femme, qui a déniché la partition.

Car son objectif est aussi d'aller à la recherche de partitions oubliées, notamment auprès de diverses fondations. Et de favoriser des rééditions par les maisons d'édition.

"Cette période de redécouverte des compositrices est géniale: on a de la musique restée pliée sur papier pendant des années et, d'un coup, elle reprend vie ! La musique ne vit que si elle est jouée".

\- La musique comme "thérapie" -

Née dans une famille de musiciens, Astrig Siranossian, qui chante aussi dans l'un de ses albums, se produit régulièrement sur de grandes scènes, en musique de chambre ou en soliste (Philharmonie de Paris, Carnegie Hall à New York, Berlin, Bruxelles, Buenos Aires...)

Fille d'un pianiste et directeur de conservatoire, elle raconte avec un brin d'auto-dérision avoir choisi le violoncelle "à 4 ans" "par paresse", pour pouvoir "rester assise". Sans "jamais le regretter", affirme celle qui est passée par le Conservatoire régional de Lyon, le Conservatoire supérieur de cette même ville, avant de faire six ans d'études au Conservatoire supérieur de Bâle (Suisse), dans la classe du professeur russe Ivan Monighetti.

En février, la musicienne - cheveux noir de jais bouclés, yeux noirs - a interprété "Grounk l'oiseau d'Arménie", une mélodie populaire de son choix, au moment de l'entrée des cercueils de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon.

"C'était très émouvant parce que leur histoire, c'est un peu celle de beaucoup d'Arméniens de France, arrivés orphelins du génocide arménien", confie celle dont les grand-parents ont fui Constantinople, côté paternel, ou le royaume de Cilicie (actuellement en Turquie), côté maternel. "L'oiseau, c'est le symbole de la liberté, de l'espoir aussi".

La violoncelliste a créé en 2019 l'association "Spidak Sevane", qui aide, à travers l'envoi de matériaux musicaux et de cours de musique notamment, des enfants et adolescents en Arménie et au Liban. Certains arrivent du Haut-Karabakh (notamment depuis la guerre de 2020 contre l'Azerbaïdjan) et "ont un traumatisme gigantesque. Beaucoup sont devenus silencieux", détaille-t-elle.

Avec les enfants d'une école de musique d'Erevan avec laquelle elle s'est associée, elle s'apprête à enregistrer une version transformée de "La Bohême" de Charles Aznavour. Et confie ressentir une "émotion indescriptible": "la musique aide beaucoup, c'est comme une thérapie. Ca peut apporter un sourire à ces enfants".

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