Les "funnies", ces drôles de chars à l'assaut des plages du Débarquement

Des troupes américaines débarquent en Normandie le 6 juin 1944

By Frédéric DUMOULIN

Paris (AFP) - Lors du Débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, les Alliés ont pu s'appuyer sur les "funnies", des chars revus et corrigés aux silhouettes parfois étranges qui ont joué un rôle non négligeable.

La transformation de ces véhicules blindés classiques --des chars Churchill britanniques et des Sherman américains-- et leur adaptation aux difficultés du terrain et à l'attaque d'une position fortifiée sont nés de l'imagination fertile d'un ingénieur militaire britannique, le général Percy Hobart, et de ses équipes.

"Crabes" équipés d'un fléau pour faire sauter les mines, "Crocodiles" munis d'un puissant lance-flammes, "Bobines" avec tapis en toile déployable sur le sable, chars amphibies "DD"... Au total, quelque 500 à 600 de ces drôles d'engins ont été lancés à l'assaut lors du D-Day.

\- La leçon de Dieppe -

En août 1942, l'opération Jubilee, tentative de débarquement des troupes alliées dans le port de Dieppe, a été un fiasco total, avec des pertes humaines et matérielles considérables. Le quart des troupes canadiennes engagées a ainsi péri.

Pour les Alliés, c'est la preuve qu'il faut apporter un appui d'artillerie aux premières vagues d'assaut de l'infanterie.

Car, sous la houlette d'Erwin Rommel, les Allemands ont dressé de multiples obstacles. Il s'agit donc de mettre au point des engins blindés susceptibles de les détruire tout en gardant leurs capacités de combat.

\- Un résultat "amusant" -

Comment imaginer de tels chars plus mobiles avec une puissance de feu renforcée ? Dans le cadre de l'opération Overlord, la mission est confiée au Britannique Hobart, chargé en avril 1943 de la mise en condition opérationnelle de la 79e division blindée.

Avec ses équipes, il s'attelle à toute une série de modifications de structure et d'ajouts sur les chars existants. Au final, ils créent une gamme de chars aux silhouettes inhabituelles et plutôt amusantes. Qui suscitent d'abord l'étonnement voire parfois la raillerie, d'où leur nom de "funnies".

Il y a notamment le "Avre", équipé d'un mortier pour détruire les bunkers et structures défensives allemandes en acier et en béton, le "Bobbins", dont le tapis en toile facilite la progression de l'infanterie et des véhicules sur le sable, et le "Fascine", utilisé pour combler les fossés.

Sans oublier le "DD" (Duplex Drive), char amphibie avec jupe imperméable et hélices de propulsion, le tank de déminage "Crab" avec ses chaînes qui draguent le sol et font exploser les mines ou encore "l'Ark", qui permet de créer des ponts avec son propre châssis.

\- Sauveurs de vies -

Dans ses souvenirs de guerre, le général Eisenhower, futur président des Etats-Unis, saluera le "succès des inventions mécaniques que nous avons employées".

"Le rôle des funnies n'a pas été décisif mais il est indéniable que la présence des blindés sur les plages a sauvé une quantité considérable de vies", explique à l'AFP Adrien Guinebault, responsable de la médiation culturelle au Musée des blindés de Saumur (Maine-et-Loire). "Sans eux, un débarquement classique aurait été autrement plus sanglant", côté alliés.

Les "Hobart's funnies", également utilisés lors du Débarquement de Provence en août 1944 et des opérations sur le Rhin, sont considérés comme les précurseurs des véhicules modernes spécialisés de génie militaire.

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