Comment inciter les Européens à davantage voyager en train ?

Le train est beaucoup plus respectueux de l'environnement que l'avion, mais il est aussi beaucoup plus cher. ©Canva

Anna Pagani n'est pas étrangère aux longs voyages. Elle a dépensé des milliers d'euros et d'innombrables heures à sillonner les voies ferrées d'Europe depuis qu'elle s'est engagée à ne plus prendre l'avion il y a quelques années.

Une décision qui s'est avérée "plus difficile que prévu".

"Planifier des voyages en train demande du temps, de la patience et de l'argent", explique-t-elle à Euronews Travel.

Elle vit à Londres, mais se rend souvent dans son Italie natale et en Autriche pour voir la famille de son compagnon.

Son travail de chercheuse l'oblige aussi à se rendre à des conférences disséminées sur le continent.

"Dans l'ensemble, c'est beaucoup d'apprentissage par la pratique", confie-t-elle. "Parfois, un avion pour Turin coûte 9 euros et un train plus de 250 euros."

Pourquoi les vols sont-ils moins chers que les trains ?

C'est une expérience à laquelle beaucoup peuvent se référer lorsqu'il s'agit de choisir entre le train et l'avion.

Un rapport de Greenpeace publié l'année dernière révèle que les billets de train sont en moyenne deux fois plus chers que les vols. L'analyse portée sur 112 itinéraires en Europe et révèle que, pour certains itinéraires comme Londres-Barcelone, le train coûtait 30 fois plus cher.

"Le prix est la clé", concède le Dr Alberto Mazzola lorsqu'on lui demande comment augmenter le nombre de passagers dans les trains. Il est le directeur exécutif de la Communauté européenne des chemins de fer et des infrastructures (CER), un groupe de pression représentant les compagnies ferroviaires européennes.

M. Mazzola estime que les trains sont traités différemment des secteurs routier et aérien. Il affirme qu'ils bénéficient de dispositions fiscales préférentielles, citant l'exemple des compagnies aériennes qui n'ont pas à payer de taxes sur le kérosène, ou celui des billets pour les vols internationaux qui sont exemptés de TVA.

Pour remédier à ces disparités, la CER souhaite que l'UE établisse des règles garantissant une concurrence équitable entre les trains, les avions et les autres types de transport.

M. Mazzola souhaite également que l'on s'attaque à la question de la durée des voyages. "Si le trajet dure 18 heures, très peu de personnes prendront le train", estime-t-il. Il fait pression sur l'UE pour qu'elle finance davantage les infrastructures afin de créer des liaisons ferroviaires à grande vitesse entre les principales villes européennes.

Quelle est la popularité des trains en Europe ?

Malgré ces difficultés, les trains connaissent une sorte de renaissance en Europe. Le nombre de passagers a augmenté de 10 % au cours de la décennie qui a précédé la pandémie de Covid-19, les trains de nuit font leur retour et les voyageurs aspirent à des options plus durables.

Cependant, un rapport de la Commission européenne a révélé que le nombre total de services transfrontaliers de transport de passagers sur de longues distances dans l'UE est resté le même entre 2001 et 2019, et qu'ils ne représentent globalement qu'environ 7 % des voyages en train en Europe.

Victor Thévenet, responsable de la politique ferroviaire au sein de l'ONG Transport and Environment, spécialisée dans la mobilité durable, insiste sur le fait que la planification d'un voyage en train doit être beaucoup plus simple.

"Les gens doivent pouvoir combiner différents opérateurs ferroviaires et pour cela, il faut que les différents billets soient regroupés en un seul", explique-t-il à Euronews Travel.

Acheter des billets de train en Europe peut s'avérer compliqué

L'UE a prévu une législation sur les services de mobilité numérique multimodale. Ce projet a été retardé l'année dernière, mais on espère qu'il aura une nouvelle chance d'aboutir au début de l'année 2025.

Elle créerait une plateforme permettant d'acheter un seul billet pour l'ensemble d'un trajet transfrontalier, au lieu de devoir passer par plusieurs opérateurs nationaux, et donnerait aux passagers des droits plus solides s'ils devaient manquer une correspondance.

Mais pour l'instant, les signaux envoyés par certaines entreprises ne rassurent pas les amateurs de transport ferroviaire. Depuis le 23 mai, la SNCF a suspendu la vente de certains billets internationaux sur son site web, comme les billets Paris-Berlin. Elle explique que cela est dû à "une modification en cours du système de réservation". Dans une déclaration à Euronews Travel, la société a déclaré : "Des améliorations seront apportées à partir de l'automne 2024 avant qu'un nouveau système ne soit déployé en 2025."

L'UE peut contribuer à améliorer les voyages transfrontaliers

Alors que les chemins de fer européens se trouvent à un moment charnière, les élections européennes de la semaine prochaine pourraient décider de l'avenir du transport ferroviaire transfrontalier.

Au cours de la dernière législature, l'UE a fait quelques progrès pour améliorer la situation en finançant des billets pour le climat et des projets d'infrastructure, et en promouvant des liaisons ferroviaires à grande vitesse. Mais les défenseurs du rail estiment qu'il reste encore beaucoup à faire et que les députés européens peuvent jouer un rôle clé en faisant pression sur la Commission et en modifiant la législation.

Ils craignent également que les financements soient difficiles à obtenir en fonction de la composition du prochain Parlement et de la prochaine Commission, en raison de l'opposition au Pacte vert européen et de la montée de l'extrême droite.

"Les citoyens européens qui se soucient réellement de l'amélioration du rail devraient voter pour les partis les plus ambitieux lorsqu'il s'agit d'établir un programme vert progressiste et ambitieux", estime M. Thévenet.

Malgré les problèmes actuels des voyages en train, des passionnés comme Anna Pagani conservent leur amour du rail.

"C'est un sentiment de joie lorsque j'arrive à destination, que je traverse des paysages et entend des langues différentes. J'évite la voiture et j'apprécie le voyage", explique-t-elle.

"Je prends l'avion lorsque la longueur du trajet ou d'autres obstacles m'empêchent de prendre le train. Mais j'aimerais vivre dans un monde où ces barrières n'existeraient pas".

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