L'indignation ne faiblit pas contre l'omniprésence de l'exécutif dans la campagne

Valérie Hayer et Gabriel Attal lors d'un meeting électoral à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, le 1er juin 2024

By Lucile MALANDAIN

Paris (AFP) - L'indignation des oppositions n'a pas faibli mardi face à l'"engagement" de l'exécutif dans la campagne des européennes, qualifié de "scandale" démocratique quand Emmanuel Macron "s'accapare" les cérémonies de commémoration du Débarquement ou que Gabriel Attal "humilie" la candidate macroniste en l'interrompant en pleine interview.

Au matin d'un ultime débat entre les huit favoris aux élections européennes de dimanche, sur France 2 et France Inter, les flèches étaient toujours acérées.

Les esprits s'échauffent notamment contre l'invitation du président de la République aux journaux télévisés de TF1 et France 2 jeudi à 20h. Il s'agit officiellement de participer à une édition spéciale en direct de Caen le jour du 80e anniversaire du Débarquement des troupes alliées en Normandie.

Mais, a estimé le patron du PS, Olivier Faure, sur Sud Radio, "il aurait pu s'exprimer lundi, il aurait pu s'exprimer mardi, il aurait pu le faire à un moment où toutes les oppositions ont la possibilité de lui répondre". La campagne s'arrêtant vendredi "nous n'avons plus la possibilité de lui répondre", a-t-il déploré.

"On s'offusquerait que le Président de la République parle à cette occasion ? Il n'a pas choisi la date du Débarquement, il n'a pas non plus choisi la date des européennes", s'est agacée de son côté la candidate macroniste aux européennes Valérie Hayer sur France Inter.

Reconnaissant que le 6 juin est "un jour particulier", la candidate des Écologistes Marie Toussaint aurait préféré que "le président de la République prenne la parole de façon courte ce soir-là". "Le problème, c'est la répétition de ces interventions impromptues" des deux têtes de l'exécutif, a-t-elle soupiré sur BFMTV-RMC.

Les oppositions ont multiplié les saisines de l'Arcom, le gendarme des médias, afin que ce dernier décompte le temps de parole d'Emmanuel Macron de celui de la candidate de la majorité, comme ce fut le cas pour son "discours de la Sorbonne" sur l'Europe fin avril ou pour le débat entre M. Attal et le candidat du Rassemblement national, Jordan Bardella, il y a dix jours.

"C'est un scandale démocratique", a résumé Manon Aubry (LFI) sur Europe1-Cnews.

\- Débat des "petites listes" -

L'irruption du Premier ministre sur la scène de l'auditorium de Radio France, où Valérie Hayer était interrogée lundi parmi d'autres têtes de liste a également continué d'alimenter les critiques. Gabriel Attal a pris la parole plusieurs minutes avant de quitter la scène en lâchant "je vous laisse avec elle".

"Invisibilisation", "manterrupting", "mansplaining"... les commentaires indignés, y compris empruntant à un vocabulaire féministe en anglais, se sont succédé depuis 24 heures, dénonçant un exécutif fébrile qui tenterait de prendre la place d'une candidate jugée trop effacée et distancée dans les sondages. Ceux-ci continuent d'annoncer un Rassemblement national à plus de 30% des voix, très loin devant la liste de Valérie Hayer, autour de 15 à 16%.

La tête de liste de la majorité s'est agacée mardi des manifestations de soutien exprimées par les oppositions après cet épisode. "Je n'ai besoin du soutien de personne. Est-ce qu’on peut me laisser parler, m'exprimer ? Ca suffit", a-t-elle déclaré réfutant tout "sexisme" ou "misogynie" de la part du chef du gouvernement.

Marine Le Pen n'a cependant pas manqué d'enfoncer le clou, jugeant que le Premier ministre "engage sa responsabilité" en se comportant de la sorte. "S'il y a un échec, il devra partir", en a-t-elle conclu sur France 2. Quant au chef de l'État, elle l'a à nouveau appelé à dissoudre l'Assemblée nationale en cas d'"échec lourd" dimanche.

"On parle du Premier ministre de la France, on parle de quelqu'un qui est censé être le gardien, ou en tout cas le promoteur du respect des institutions, de la séparation des pouvoirs, de la démocratie...", a rappelé de son côté sur Radio J le tête de liste du parti radical de gauche, Guillaume Lacroix, reprochant une "politique spectacle" qui favorise le vote pour l'extrême-droite.

Comme sept autres têtes de "petites" listes, dont Florian Philippot, Jean Lassalle et Hélène Thouy, il débattra également mardi soir sur France 2, lors d'un débat distinct, premier et dernier de cette campagne sur une chaîne nationale.

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