Des experts américains se penchent sur la MDMA comme traitement contre le stress post-traumatique

Au siège de l'Agence américaine des médicaments (FDA), dans le Maryland aux Etats-Unis, le 20 juillet 2020

By Lucie AUBOURG

Washington (AFP) - Un comité consultatif d'experts américains examine mardi la possibilité de l'autorisation future aux Etats-Unis d'un traitement contre les troubles de stress post-traumatique utilisant de la MDMA, une drogue aussi connue sous le nom d'ecstasy et généralement plutôt consommée illégalement lors de fêtes.

Le traitement, pris en combinaison avec des séances de psychothérapie, est développé par Lykos Therapeutics et a été étudié lors d'essais cliniques. Mais ceux-ci ont soulevé des critiques.

L'agence américaine des médicaments (FDA) a convoqué un comité d'experts indépendants afin d'analyser les données récoltées et celui-ci votera en fin de journée pour recommander ou non l'autorisation du traitement. La FDA n'est pas tenue de suivre cet avis mais il est rare qu'elle ne le fasse pas.

Les troubles du stress post-traumatique (TSPT) sont des troubles psychiatriques qui surviennent après un événement traumatisant et touchent environ 5% de la population américaine. Les personnes concernées ont entre autres davantage de risques de comportements suicidaires et de toxicomanie. Il n'existe pour le moment aux Etats-Unis que deux traitements autorisés et ils ne sont pas toujours efficaces.

La MDMA est étudiée car elle peut "favoriser" un "sentiment de connexion à autrui" et "des états d'introspection", selon la FDA.

Un peu moins de 200 personnes ont participé à deux essais cliniques similaires: la moitié des participants ont reçu de la MDMA (ou midomafetamine) et l'autre moitié un placebo, lors de trois séances de chacune huit heures, espacées de plusieurs semaines et conduites en présence d'un thérapeute.

Elles avaient lieu dans une salle "confortable, avec un canapé" et "un éclairage doux", a décrit Berra Yazar-Klosinski, responsable scientifique chez Lykos Therapeutics.

Plusieurs séances de psychothérapie étaient ensuite prévues entre chaque prise.

\- Cadre strict -

Les participants ayant reçu de la MDMA "ont semblé expérimenter une amélioration rapide, cliniquement significative et durable de leurs symptômes de stress post-traumatique", a écrit la FDA dans un document présentant les enjeux de la réunion.

"Toutefois, plusieurs facteurs rendent ces données difficiles à interpréter", a ajouté l'agence.

D'abord, en raison des effets puissants de la MDMA affectant l'humeur et les sensations, les patients étaient largement capables de deviner s'ils avaient le traitement ou un placebo, ce qui a pu influencer les résultats.

De plus, la FDA a critiqué une évaluation selon elle "incomplète" des possibles effets secondaires, notamment concernant les risques cardiaques du traitement. Des augmentations significatives de la pression artérielle et du pouls ont été observées chez les participants.

Si autorisé, la FDA a déjà proposé un encadrement strict du traitement. Il ne pourrait être administré que par certains établissements certifiés et les patients devraient être enregistrés dans un registre leur permettant d'être suivis.

Les séances devraient être encadrées par deux personnes, dont un thérapeute. Les patients ne pourraient quitter la séance qu'accompagnés d'un adulte et n'auraient pas le droit de conduire le jour suivant.

\- Inquiétudes -

Une organisation examinant les essais cliniques et prix de médicaments, l'ICER, a par ailleurs soulevé des inquiétudes dans un récent rapport. Selon ce rapport, les professionnels participant aux essais cliniques étaient encouragés à rapporter les bénéfices du traitement et non ses effets indésirables.

Interrogée mardi sur la question, Tiffany Farchione, responsable au sein de la FDA, a déclaré que des "inspections" étaient en cours. "Nous prenons ces allégations très au sérieux et elles nous inquiètent assez", a-t-elle ajouté.

Des experts soulignent toutefois le besoin de nouvelles solutions pour les patients.

"Beaucoup de patients atteints de TSPT souffrent" et le manque de traitements disponibles "a d'énormes conséquences", a argumenté durant la réunion Kelley O'Donnell, une experte invitée par Lykos Therapeutics.

"La MDMA aide vraiment le processus thérapeutique" notamment en "générant une sensation d'empathie et de connexion avec soi-même et avec les autres", a-t-elle dit.

La MDMA est pour le moment une substance illicite aux Etats-Unis et son autorisation pour un traitement médical représenterait donc un changement majeur.

De manière générale, les scientifiques se penchent de plus en plus sérieusement sur l'utilisation de psychédéliques (psilocybine...) pour traiter diverses pathologies (dépression...).

Lykos Therapeutics a dit dans un communiqué s'attendre à une décision de la FDA d'ici mi-août.

© Agence France-Presse