Décès de l'artiste Ben à l'âge de 88 ans, "réuni" avec sa femme dans la mort

L'artiste français Ben, Benjamin Vautier de son vrai nom, lors de la réouverture de la Fondation du Doute à Blois (Loir-et-Cher) le 23 septembre 2022

By Fanny CARRIER avec Sandra BIFFOT-LACUT à Paris

Nice (AFP) - L'artiste Ben, connu pour ses slogans rédigés en lettres manuscrites blanches sur fond noir, est décédé à 88 ans à Nice en se donnant la mort quelques heures après le décès de son épouse Annie, avec laquelle il était marié depuis 60 ans.

Annie avait subi un accident vasculaire cérébral lundi soir, auquel elle a succombé mercredi aux premières heures de la journée, ont expliqué les deux enfants du couple, Eva et François, dans un communiqué: "Ne voulant et ne pouvant pas vivre sans elle, Ben s'est donné la mort quelques heures plus tard chez eux à Saint-Pancrace, dans les hauteurs de Nice".

"Le monde de la culture perd une légende", a réagi sur les réseaux sociaux la ministre de la Culture Rachida Dati, saluant un "orfèvre du langage" aux "écritures humoristiques, parfois satiriques" et dont "l'art continuera de faire rayonner la France à travers le monde".

"Sur les trousses de nos enfants, sur tant d'objets du quotidien et jusque dans nos imaginaires, Ben avait posé son empreinte, faite de liberté et de poésie, d'apparente légèreté et de bouleversante profondeur", a salué le président Emmanuel Macron dans un communiqué.

Devant la grande maison-atelier de l'artiste sur les hauteurs de Nice, des véhicules de police sont restés postés toute la journée mercredi, tandis qu'un médecin-légiste et une magistrate du parquet sont venus à la mi-journée pour l'enquête de rigueur sur les causes de la mort, a constaté une journaliste de l'AFP.

L'artiste avait fait de cette maison une oeuvre d'art en elle-même, avec des installations sur la façade et aux abords. On y voit une figure jaune assise dans le vide au bout d'une perche, un vélo, une banderole noire proclamant "expérience en cours" ou encore un panneau jaune frappé des mots "les femmes sont belles", dans ce lettrage rond et lié caractéristique des oeuvres de Ben.

\- "Fusionnels" -

"C'est une énorme perte pour la ville de Nice, c'est une énorme perte parce que non seulement, Ben, il ne s'était pas enfermé dans ses acquis. Il continuait en permanence à créer, à provoquer, à faire ce qui est cet esprit de provocation niçois," a déclaré sur place à l'AFP Robert Roux, ami proche de la famille et adjoint au maire de Nice délégué à la culture.

"Ben et Annie, c'était fusionnel. L'un sans l'autre n'existait pas. Et si c'était Ben qui était parti avant, je pense qu'Annie n'aurait pas survécu", a ajouté M. Roux: "Ben et Annie ne faisaient qu'un. Complémentaires, mais vraiment d'une façon extraordinaire. (...) C'est un exemple fou d'un amour vraiment étonnant, impressionnant, touchant, émouvant".

Le couple s'était rencontré en 1963, indique leur fille Eva sur le site internet de sa galerie. Annie, "membre du collectif Théâtre Total", organisait ses propres performances artistiques et "participait aux expositions, aux publications et aux performances de Ben" depuis leur rencontre.

Né à Naples (Italie) en 1935, de nationalité franco-suisse et arrière petit-fils du peintre suisse Marc Louis Benjamin Vautier, Ben avait fondé "l'Ecole de Nice" avec Arman, Yves Klein et Martial Raysse. Il vivait dans cette ville de la Côte d'Azur depuis l'âge de 14 ans.

Il se revendiquera de "Fluxus", mouvement avant-gardiste né en 1962 en Allemagne, à Wiesbaden, inspiré du Nouveau réalisme et du "ready made" de Marcel Duchamp, qui s'est employé à désacraliser l'art.

En son hommage, Ben a planté à la verticale devant sa maison une voiture jaune frappée de l'inscription "Ceci n'est pas une voiture".

Ses "écritures", formules souvent tracées à la peinture blanche sur fond noir, semblent au premier abord sorties de la tête d'un écolier potache. Mais elles bousculent les certitudes installées de l'art contemporain: "A quoi sert l'art?", "Le nouveau est-il toujours nouveau?", "Que faites-vous ici?", ou "Mon plus grand soucis, c'est moi" (NDLR: avec une faute d'orthographe)...

Elles ont été reproduites jusque sur les cartables, trousses et cahiers d'écoliers. Elles ornent aussi les arrêts du tram à Nice.

Ben défendait la présence de l'art dans la vie quotidienne, sur les objets les plus banals, avec à chaque fois une pincée d'humour, une touche d'inventivité et un brin de provocation.

L'artiste est exposé au Moma à New York ainsi qu'au centre Pompidou à Paris.

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