Au tribunal de Paris, les explications confuses d'un maire francilien sur un généreux "prêt"

Jean-François Oneto, maire (LR) d'Ozoir-la-Ferrière, en Seine-et-Marne, devant le tribunal de Paris pour s'expliquer sur un "prêt" octroyé par une entreprise de BTP qui prenait part à des projets immobiliers dans sa ville

By Arnaud BOUVIER

Paris (AFP) - "J'étais dans l'embarras, alors j'ai accepté": Jean-François Oneto, maire (LR) d'Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne), a peiné à s'expliquer mercredi devant le tribunal de Paris sur le "prêt" de 531.450 euros que lui a octroyé une entreprise de BTP qui prenait part à des projets immobiliers dans sa ville.

M. Oneto, 73 ans dont 23 ans dans le fauteuil de maire, a été longuement interrogé sur les conditions d'acquisition en 2010 d'un terrain à Lumio, dans sa Corse natale, où il voulait se faire construire une maison de vacances.

Cette opération a été directement financée, via un virement sur le compte du notaire, par la société Lamas Construction, implantée dans sa ville. Selon l'accusation, les fonds auraient au final été fournis par le promoteur immobilier France Pierre - dont Lamas était un sous-traitant -, entreprise dont le maire aurait favorisé des projets dans sa commune.

Près de 14 ans plus tard, le "prêt" concédé par Lamas Construction n'a toujours pas été remboursé. Or, "un prêt non remboursé, la justice considère que c'est un don, un avantage", relève la procureure.

Des soupçons qui valent à M. Oneto de comparaître pour recel d'abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêt et corruption passive. Ces éléments s'inscrivent dans un vaste dossier de malversations présumées impliquant notamment un ancien préfet, des élus franciliens et des entrepreneurs du BTP, que le tribunal correctionnel examine depuis trois semaines.

C'est parce que sa banque lui a refusé un prêt au dernier moment - une semaine avant la date prévue de signature chez le notaire, en septembre 2010 - que le maire s'est tourné vers Armindo D.F., le patron de Lamas Construction, pour financer son projet personnel en Corse, a-t-il retracé à la barre.

\- "Aucun formalisme" -

"Je le croise un jour dans un restaurant, et je lui évoque mes difficultés. Je lui demande auprès de quelle banque je pourrais trouver une oreille attentive, et là il me dit +je peux vous prêter cet argent+. J'étais à la fois surpris et soulagé", raconte le maire. Après la vente, il signera une simple reconnaissance de dette, sans mentionner ni échéance de remboursement, ni intérêts.

Pour l'accusation, cette procédure est d'autant plus problématique que c'est l'entreprise Lamas qui a versé l'argent, et non pas son patron à titre personnel - un point dont le prévenu dit n'avoir rien su.

Le prêteur, qui "ne m'a rien demandé en contrepartie", n'était pas pressé d'être remboursé et n'a demandé "aucun formalisme", selon M. Oneto. "C'est le moins qu'on puisse dire", grince la présidente. "Je peux vous renvoyer le compliment", ironise à son tour l'un des représentants du parquet: le fait, pour un maire, d'"accepter un prêt d'un entrepreneur de sa commune", ne relève pas non plus d'un "formalisme classique", relève-t-il.

Pendant l'instruction, le patron de Lamas Construction a livré aux enquêteurs une version différente, expliquant en substance que c'était à la demande du dirigeant de France Pierre que les fonds avaient été débloqués.

La thèse d'une rencontre fortuite au restaurant avec un entrepreneur capable de prêter "spontanément" plus de 500.000 euros à un maire qu'il connaît à peine ne tient pas, a souligné de son côté l'avocat du prêteur, Me Jean-Didier Belot. "Je défends un ange! Un être d'exception, un intermédiaire entre un homme et un dieu!", ironise-t-il.

Outre ce "prêt" non remboursé, M. Oneto est également poursuivi pour avoir acquis, pour lui et sa fille, deux appartements dans des résidences de sa ville, dont il avait autorisé la construction en tant que maire, et pour avoir, en 2017, salarié sa fille à la mairie, pour un emploi que le parquet considère comme fictif.

Les réquisitions dans ce long et complexe procès sont attendues le 11 juin. Le procès doit s'achever le 20 juin.

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