Élections européennes : tout ce qu’il faut savoir sur la campagne en France

Un meeting électoral en France lors de la campagne des européennes. ©Michel Euler/Copyright 2024 The AP. All rights reserved.

Après des semaines de campagne, la course aux élections européennes touche également à sa fin en France. Voici tout ce que vous devez savoir sur cette campagne avant le scrutin de dimanche.

38 listes pour 81 sièges à pourvoir

Les électeurs français pourront choisir entre 38 listes, chacune présentant 81 candidats – soit le nombre total d’eurodéputés que la France enverra au Parlement européen pour la prochaine mandature. C'est le deuxième pays avec le plus grand nombre d'eurodéputés derrièrel'Allemagne qui disposera de 96 sièges lors de ces élections. Les premiers résultats seront annoncés le 9 juin au soir à partir de 20 heures. De vendredi soir à 23 h 59 jusqu'aux premiers résultats annoncés dimanche à 20 heures, les candidats français n'auront plus le droit de s'exprimer publiquement sur le vote et les médias audiovisuels ne pourront plus diffuser de commentaires politiques ni faire référence à des sondages ou à des estimations. Si une liste a obtenu moins de 5 % des voix, il ne pourra envoyer aucun député européen au Parlement. Pour espérer se voir rembourser ses frais de campagne, une liste devra obtenir au moins 3% des suffrages.

Quels sont les enjeux pour les différentes listes ?

Cette année encore, les questions intérieures sont restées au premier plan dans la prise de décision de nombreux électeurs français. Leurs principales préoccupations étaient liées à l'immigration, au pouvoir d'achat et la sécurité, selon différents sondages. Le parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN) a axé sa campagne sous forme de référendum sur l'approbation du président français Emmanuel Macron, en particulier sur ces questions. Le candidat tête de liste aux élections européennes, Jordan Bardella, a déclaré qu'il exigerait des élections législatives anticipées si son parti gagnait. Lors de son meeting de campagne à Paris dimanche dernier, Jordan Bardella a appelé les électeurs à voter contre Macron. *"Dimanche prochain, s'abstenir, c'est voter pour Macron\. Dimanche prochain, voter pour d'autres partis \[plus petits\] ne fera que renforcer Macron"*, a\-t\-il déclaré devant une foule enthousiaste de 5 000 personnes\.

Jordan Bardella domine les sondages avec 32% d'intentions de vote,selon le dernier sondage Euronews. L'objectif du parti est de se maintenir au-dessus de la barre des 30 %, un score jamais vu pour le Rassemblement national, hormis lors du second tour de l'élection présidentielle française.

Mais historiquement, le parti a l’habitude de perdre quelques points le jour de l’élection en raison de changements d’avis de certains électeurs à la dernière minute. C'est peut-être le cas de Stéphane, dentiste de 30 ans basé à Paris et sympathisant de longue date du Rassemblement national. Il a déclaré à Euronews qu'il reste encore à choisir entre deux partis d'extrême droite : le Rassemblement national de Bardella ou le parti Reconquête de Marion Maréchal (crédité actuellement de 5,9% des intentions de vote). Il estime que Marion Maréchal est une "candidate bien meilleure, plus qualifiée et plus confiante" que son rival de 28 ans. "Je ne sais pas si je dois voter pour Jordan Bardella pour lui donner plus de pouvoir au Parlement européen ou pour voter pour Marion Maréchal qui est plus qualifiée", a-t-il déclaré.

Le parti centriste d'Emmanuel Macron veut limiter les dégâts

La liste de centre-droit du président Emmanuel Macron, dirigée par Valérie Hayer, est en retard de plus de 15 points sur le Rassemblement national (actuellement à 15,7%). L'eurodéputée sortante, une inconnue du grand public, a été passablement critiquée pour son manque de charisme et par son discours trop technique lors des débats. "Malheureusement, sur la forme de Valérie Hayer est nulle, mais c'est la moins mauvaise candidate parmi toutes", déplore Max, consultant de 29 ans basé à Paris. Il a déclaré qu'il voterait pour le parti Renaissance afin de limiter la montée de l'extrême droite. "J'aimerais que la France envoie des députés qui puissent participer à la construction de l'UE plutôt que de l'entraver", a-t-il déclaré à Euronews.

Emmanuel Macron s’est donc efforcé de sauver son parti de la déroute attendue en envoyant son jeune Premier ministre Gabriel Attal affronter Jordan Bardella lors d'un débat télévisé en tête-à-tête, à la place de Valérie Hayer, provoquant des réactions négatives de la part des autres candidats ainsi que des électeurs.

L'interview télévisée d'Emmanuel Macron en prime time, prévue ce jeudi soir, a également suscité davantage la colère des autres candidats qui ont porté plainte auprès de l'Arcom, le régulateur national des médias. Son temps de parole sera finalement décompté sur celui de la liste de Valérie Hayer.

"Le Président a été très impliqué dans ces élections mais toutes ses actions ont échoué", a expliqué Christophe Boutin, politologue et professeur de droit public à l'Université de Caen en Normandie.

"Il a été difficile de dynamiser les sondages car ses arguments sont familiers. Les Français ne voient pas l'efficacité que le président prétend avoir obtenue avec son parti", a déclaré M. Boutin dans une interview à Euronews. Pour Renaissance, l’objectif est désormais de maintenir la liste Hayer à la deuxième place, loin de son rival inattendu, le candidat socialiste Raphaël Glucksmann crédité actuellement à 14% des intentions de vote.

Le candidat surprise du Parti socialiste

La tête de liste du Parti socialiste et du mouvement Place Publique vise la deuxième place, espérant donner un coup de pouce à la gauche française traditionnelle, plus modérée que la France Insoumise (LFI) et les Verts (EELV). Franck, 52 ans, community manager basé à Paris a déclaré que bien qu'il ait voté pour le parti des Verts aux élections européennes de 2019, il a décidé cette année de choisir Raphaël Glucksmann. "La campagne des Verts a été invisible, je n’ai rien retenu de leurs propositions. Je suis plus intéressé par un retour à la gauche traditionnelle”, a-t-il déclaré à Euronews.

Cet électeur estime que Raphaël Glucksmann représente un "programme plus modéré et progressiste par rapport aux autres partis de gauche, tout en intégrant les propositions en faveur de l'environnement", a-t-il déclaré. Le parti des Verts, qui a réalisé des gains inattendus lors des dernières élections européennes de 2019 avec 13,5 % des voix, a désormais du mal à créer une dynamique. Le parti stagne actuellement à 5,8% des intentions de vote – proche du dangereux seuil de 5% nécessaire en France pour envoyer des députés européens à Bruxelles. L'autre parti de gauche radicale, La France Insoumise (LFI), représenté par Manon Aubry, est également en difficulté dans les sondages avec 8 %. Le parti a notamment centré sa campagne autour de la guerre à Gaza et de la reconnaissance de l’État palestinien, dans l’espoir d’attirer un électorat plus jeune.

Et les électeurs indécis ?

22% des électeurs potentiels ont déclaré qu'ils se décideraient cette semaine, dont 10% la veille ou le jour même, selon un sondage Elabe. Julia, une jeune femme de 28 ans travaillant dans la finance à Paris, a déclaré qu'elle n'avait pas voté aux dernières élections européennes mais qu'elle était déterminée à voter ce dimanche. Elle nous a confessé qu'elle était encore indécise entre plusieurs partis de droite, citant l'immigration, l'agriculture et la souveraineté française comme ses principales préoccupations. "Je ne voterai pas pour un parti qui valorise davantage l'UE que la France. Je ne suis pas eurosceptique mais je crois que nous devrions donner la priorité à la France ", souligne-t-elle. Cependant, c'est la gauche qui compte le plus grand pourcentage d'électeurs indécis, selon Elabe.

C'est le cas d'Elena, 37 ans, coordinatrice dans un organisme médico-social. Elle n'a pas encore pris sa décision, mais elle a déclaré qu'elle ne voterait que pour un parti de gauche ou d'extrême gauche, même si elle admet être désillusionnée par l'UE. "Ma perception de l’UE a beaucoup changé au cours des 15 dernières années. J’espérais que nous pourrions influencer les choses en votant. J'ai perdu cet espoir", affirmant qu'elle vote "par habitude". "Je pensais que l'UE, telle qu'elle a été construite, créerait une société égalitaire et juste. Mais il semble que la circulation des biens et des capitaux passe avant les citoyens", regrette-t-elle.

Gare aux abstentionnistes

Selon les dernières intentions de vote, le taux d'abstention en France devrait être d'environ 50 % cette année. C’est légèrement inférieur à la moyenne des autres pays de l’UE. "Il n'y a pas eu d'amélioration mais en même temps pas de baisse du taux d'abstention en France", nous a déclaré Christophe Boutin. Les jeunes sont susceptibles de s'abstenir de voter, tandis que les générations plus âgées, aux revenus plus élevés, sont plus susceptibles de voter, selon le politologue. Florent, consultant lyonnais de 32 ans, n'a pas voté en 2019 car il "ne se sentait pas concerné par l'UE". Il a déclaré à Euronews qu'il voterait ce dimanche parce qu'il s'inquiète de la montée de l'extrême droite à travers le continent. Cet électeur devrait voter pour la liste de centre-droit du président Macron, l’un des rares à "croire en l’Europe et en ses institutions", selon lui.

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