L'UE est trop lointaine pour les Tchèques et les Slovaques qui boudent les élections

By Jan FLEMR, avec Laszlo JUHASZ à Bratislava

Vresova (République Tchèque) (AFP) - Au village de Vresova, dans l'ouest de la République tchèque, seuls 27 électeurs sur 313 ont déposé leur bulletin dans l'urne lors des dernières élections au Parlement européen. Son maire adjoint espère que ce sera différent cette année.

La réticence des électeurs de Vresova est semblable à celle du pays entier, la République tchèque, ainsi que de la Slovaquie voisine: les deux pays ont enregistré les taux de participation les plus faibles de l'Union européenne en 2019.

"Beaucoup de gens ici pensent qu'ils n'auront aucune influence sur ce qui se passe au Parlement européen", explique Frantisek Gaspar, un adjoint au maire âgé de 35 ans.

"Certains ont suffisamment de problèmes personnels et ne s'intéressent pas du tout à la politique", observe-t-il.

Les 400 habitants de Vresova, située à 140 km de la capitale Prague, vivent dans quatre immeubles construits à l'origine comme dortoirs pour une centrale électrique tentaculaire, située de l'autre côté de la route principale.

Le village est calme après une pluie d'après-midi, seules quelques fenêtres ouvertes laissent s'échapper l'odeur des repas.

De rares personnes rencontrées refusent de parler politique.

Seule une jeune femme s'exclame: "J'ai voté!" (au précédent scrutin européen, il y a 5 ans NDLR) avant d'expliquer être trop fatiguée pour parler.

Selon M. Gaspar, les habitants de Vresova, dont la plupart appartiennent à la minorité rom en difficulté, sont aux prises avec le chômage et une inflation élevée.

Lors des dernières élections européennes en 2019, le village a connu le taux de participation le plus bas de la République tchèque, 8,6%.

\- D'autres problèmes -

Et les électeurs tchèques et slovaques ont été les moins assidus avec des taux de participation respectifs de 28,7 % et 22,7%, contre une moyenne européenne d'environ 51%.

En 2014, les chiffres étaient encore plus bas, avec environ 18% en République tchèque et 13% en Slovaquie.

Les deux pays formaient la Tchécoslovaquie jusqu'à leur séparation pacifique en 1993, quatre ans après s'être débarrassés d'un régime communiste totalitaire de quatre décennies, dirigé par Moscou.

Ils ont adhéré à l'UE en 2004, mais seule la Slovaquie a rejoint la zone euro en 2009.

"Les Tchèques ne sont pas pleinement conscients de l'importance de ces élections", estime Martin Dvorak, ministre tchèque des Affaires européennes interrogé par l'AFP.

"C'est trop loin pour eux, c'est ce Bruxelles bizarre qu'ils ne comprennent pas, ils ne savent pas comment fonctionne l'UE", poursuit-il.

Pour Vera Jourova, commissaire européenne pour la République tchèque, les électeurs des deux pays "ont d'autres problèmes, ils s'intéressent à la politique nationale et locale", déclare-t-elle à l'AFP.

Vresova lui donne raison: lors des dernières élections locales en revanche, le taux de participation a atteint 68,6%.

Petr Just, analyste à l'Université métropolitaine de Prague, attribue aussi ce désintérêt à une méconnaissance de ce qu'accomplit le Parlement européen.

"Les gens n'ont pas envie d'aller voter parce qu'ils pensent que l'UE ne fait pas assez pour eux", déclare-t-il à l'AFP.

Selon lui, les électeurs sont également découragés par les critiques envers l'UE qui dominent l'espace public, dont les réseaux sociaux.

Les critiques prévalent, même si les Tchèques et les Slovaques ne sont pas entièrement eurosceptiques.

Selon un sondage réalisé par l'institut Central European Perspectives cette année, 58% des Tchèques et 68% des Slovaques ont déclaré que l'adhésion à l'UE était bénéfique pour leur pays.

\- "Nous aurions pu faire mieux" -

Pour Pavol Babos, de l'université Comenius de Bratislava, les électeurs slovaques ont du mal à "évaluer l'enjeu des élections européennes".

Tout comme Mme Jourova, l'analyste pense que les hommes politiques ont leur part de responsabilité dans ce faible niveau de sensibilisation.

En visite à Prague au début de l'année, Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, a admis que les responsables politiques n'en faisaient pas assez.

"Nous aurions pu faire mieux et nous devons l'admettre parce que si nous ne le faisons pas, les électeurs trouveront du réconfort dans les forces politiques marginales et ce n'est pas ce que nous voulons", a-t-elle déclaré.

Frantisek Gaspar est lui très pris par les questions locales: élargir l'offre de logement à Vresova et trouver un point d'atterrissage pour l'hélicoptère d'un rappeur slovaque d'ici son concert.

Il est fier de la nouvelle aire de jeux et des allées du parc, ainsi que du nouveau pub local et du magasin géré par les habitants eux-mêmes.

"Nous avons fait cela avec nos propres fonds", déclare M. Gaspar, alors que le nom du pub, "Chez nous", illustre le sens de la communauté des citoyens de Vresova.

"Mais lorsqu'une offre de fonds européens nous est faite, nous posons également notre candidature", ajoute-t-il.

Vresova gère actuellement deux projets financés par l'UE et axés sur la protection sociale.

"Ils ont permis d'employer quelques personnes, ce qui est très bien. Peut-être que les habitants pourraient enfin se rendre aux urnes, maintenant qu'ils en voient les avantages", espère-t-il.

© Agence France-Presse