Pour les Afghans, après les inondations, la soif

Des habitants remplissent des bidons avec de l'eau provenant d'un ruisseau dans une zone touchée par les inondations, dans le district de Burka de la province de Baghlan, le 4 juin 2024 en Afghanistan

By Mahdi MEHRAN, avec Abdullah HASRAT et Susannah WALDEN à KABOUL

Dasht-e Fulool (AFP) - "Nos puits sont remplis de boue: pour boire, on doit laisser nos seaux décanter", raconte Nawroz, un mois après les crues qui ont ravagé sa province du nord de l'Afghanistan où humanitaires et habitants redoutent désormais déshydratation et épidémies.

"On remplit nos seaux de cette eau sale et on laisse les dépôts tomber au fond avant de l'utiliser. Sans ça, on n'a rien à boire", explique à l'AFP cet Afghan de 46 ans dans son village de la province de Baghlan.

Autour de lui, dans un paysage de désolation où des trous béants se sont ouverts là où avant se tenaient des maisons emportées par les crues subites, des familles remplissent des bidons de cette eau saumâtre.

En temps normal, dans le pays meurtri par quatre décennies de guerre et qui se débat aujourd'hui avec des crises économique, humanitaire et climatique, près de 80% des plus de 40 millions d'habitants n'ont pas un accès suffisant à l'eau potable, selon l'ONU.

\- Réservoirs et tuyaux détruits -

Les récentes crues ont aggravé la situation.

En mai, au moins 480 Afghans, selon l'ONU, pour beaucoup des femmes et des enfants, ont été fauchés par ces torrents de boue qui ont brusquement déferlé sur le nord et l'ouest du pays, l'un des plus pauvres au monde et l'un des plus vulnérables au changement climatique aussi.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait fin mai que 60.000 personnes avaient été affectées par ces inondations : des milliers de maisons ont été détruites ou endommagées, des milliers d'hectares de cultures ont été inondés, des troupeaux entiers ont disparu...

Aujourd'hui, "les problèmes les plus graves sont le manque d'eau et d'abris", affirme à l'AFP Sher Agha Chahrani, durablement marqué par les terribles heures du vendredi 10 mai, quand son village a soudainement été submergé de boue.

Le réservoir d'eau et le réseau de tuyaux qui alimentaient toutes les familles des alentours ont été "détruits et emportés par les crues", raconte-t-il.

A travers la province de Baghlan, 14 réseaux d'alimentation en eau et près de 300 points de pompage d'eau ont été endommagés ou détruits, indiquait récemment un responsable des autorités talibanes à la presse locale.

Mais près d'un mois plus tard, "rien n'a été mis en place pour trouver une solution durable", accuse M. Chahrani.

\- Enfants malades -

"Les inondations provoquent des dégâts matériels mais elles contaminent aussi les puits" lorsqu'ils résistent, explique à l'AFP Daniel Timme, porte-parole de l'Unicef.

Les familles rescapées ont bien accès à ces points d'eau, "mais elles ne peuvent pas s'en servir car ils sont remplis de boue ou contaminés par des bactéries", affirme-t-il, de retour de Baghlan où il décrit un paysage "couvert de boue, de déchets et d'animaux en décomposition".

"L'odeur est insupportable", abonde Barakatullah, un habitant de Dasht-e Fouloul où les parents, dit-il, s'inquiètent d'une hausse des cas de diarrhées chez les enfants.

"Si le problème de l'eau potable n'est pas réglé, on va avoir une autre crise et des épidémies", s'inquiète-t-il.

Pour le moment, l'Unicef achemine chaque jour 500.000 litres d'eau aux zones sinistrées --de quoi assurer 15 litres par personne, soit le minimum établi par l'ONU pour la survie.

"Mais si des fois, cela suffit, d'autres jours, ce n'est pas assez", estime Rahim Abdul Jamil, du village de Goul Dara Chikha dans la province occidentale de Ghor également touchée par les crues subites.

Cet instituteur dit d'ailleurs déjà constater une recrudescence des épisodes de fièvre ou des problèmes respiratoires parmi ses élèves.

"L'absence d'eau potable crée de gros problèmes : mes enfants et ceux des voisins sont déjà tombés malades", dit-il à l'AFP.

Et ce, dans un pays où le "système de santé est déjà dépassé", rappelle l'OMS.

© Agence France-Presse