La mobilisation contre l'A69 dégénère en affrontements avec les forces de l'ordre

Des militants écologistes utilisent une catapulte artisanale contre les forces de l'ordre lors d'une manifestation contre l'autoroute A69 en construction entre Castres et Toulouse, le 8 juin 2024 à Puylaurens, dans le Tarn

By Eloi ROUYER

Puylaurens (France) (AFP) - La mobilisation de militants écologistes contre l'autoroute A-69 Castres-Toulouse, samedi dans le Tarn, a dégénéré en affrontements entre manifestants encagoulés et les forces de l'ordre.

Un CRS atteint par un cocktail Molotov, ainsi que deux gendarmes ont été blessés, ainsi que deux manifestants, selon la préfecture.

Les premiers incidents ont éclaté vers 15h00. Le préfet du Tarn a dénoncé les "attaques extrêmement violentes, avec des catapultes" de "1.200 individus radicaux, manifestement venus pour casser, sans lien avec la question de l'A-69". Ces manifestants tentaient d'atteindre un bâtiment du concessionnaire de l'autoroute et un site des Laboratoires Pierre Fabre, société qui soutient la construction de l'A-69.

Les forces de l'ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes pour les disperser et contenir les manifestants, divisés en trois groupes, à distance d'une route menant au chantier de l’autoroute.

De leur côté, des manifestants vêtus de noir et encagoulés ont tiré des mortiers de feux d'artifice en direction des gendarmes, des pierres et des cocktails Molotov.

Après divers accrochages à quelques dizaine de mètres du chantier de l'autoroute controversée, les forces de l'ordre ont repoussé les manifestants vers une colline en surplomb, à quelques kilomètres du campement revendicatif installé sur un terrain privé pour le week-end.

\- Retour au calme -

Samedi en fin de journée, les affrontements avaient cessé, a indiqué le préfet du Tarn, précisant que les forces de l'ordre restaient mobilisées jusqu'à la fin de la mobilisation dimanche.

"Une fois de plus, les associations qui ont appelé à la manifestation servent de caution à des personnes violentes venues pour casser. Cela conforte pleinement l'arrêté d'interdiction et le déploiement important de forces de sécurité intérieure", a estimé la préfecture du Tarn dans un communiqué.

Des milliers d'opposants écologistes ont bravé cette interdiction préfectorale pour participer à la mobilisation "Roue Libre", d'abord dans le calme, à l'appel de plusieurs collectifs locaux et les Soulèvements de la terre.

Près du village de Puylaurens, le rassemblement écologiste a réuni 7.000 militants selon les organisateurs, 1.600 selon la préfecture.

Environ 1.600 gendarmes et policiers avaient été mobilisés aux abords de Puylaurens.

Après des tables rondes dans la matinée, les cortèges de la "Manif'Action", point d'orgue du week-end, se sont élancés sur des chemins ou routes de campagne, sous un soleil de plomb.

Alors que le groupe principal cheminait dans une ambiance festive, un autre cortège a quitté le campement revendicatif dressé la veille, avec dans ses rangs des personnes encagoulées et vêtues de noir, a constaté un journaliste de l'AFP.

\- "Souveraineté alimentaire" -

"L'interdiction de la manifestation était pleinement justifiée", a relevé le préfet. Le ministre de l'Intérieur l'avait sommé de prononcer l'interdiction de la manifestation, par craintes de débordements.

"Une interdiction a été posée, mais visiblement, aujourd'hui, les citoyens préfèrent désobéir parce que le monde qu'on nous propose demain ne convient absolument pas", a dit avant les affrontements Thomas Brail, du Groupe national de surveillance des arbres, mobilisé notamment contre l'abattage des platanes.

"On s'adresse aux élus qui sont allés droit dans le mur avec ce projet complètement désastreux. Ils ont des enfants, il faut qu'ils réfléchissent au monde qu'ils veulent leur laisser", a-t-il ajouté.

En fin de matinée, lors d'une conférence de presse tenue sous un chapiteau, un porte-parole des Soulèvements de la terre a dénoncé "un massacre des terres pour des profits".

Au nom de 12 collectifs opposés aux unités de fabrication de goudron, un militant alerte: "On est au bord du craquage: les usines à bitume qui vont produire le revêtement de l'autoroute, c'est 700 tonnes de rejet de substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la santé humaine".

Lors d'une table ronde, la députée Les écologistes Christine Arrighi a apporté son soutien "à ceux qui sont finalement les grands perdants de cette A69: les agriculteurs qui voient leurs terres accaparées à l'heure de la crise agricole et du débat sur la souveraineté alimentaire".

Construite au nom du désenclavement du bassin de Castres et Mazamet, soutenue par une majorité d'élus locaux et régionaux, l'A69 (53 km) est critiquée par des mouvements de gauche et écologistes, des scientifiques qui dénoncent la destruction de zones humides, de terres agricoles, d'arbres, d'écosystèmes et de nappes phréatiques, pour un gain de temps, selon eux, dérisoire.

Le chantier a débuté en 2023 et l'autoroute doit être mise en service fin 2025.

"Nous avons le devoir de nous interposer, estime une militante d'Extinction rébellion. Tant qu'on sera là, l'autoroute ne passera pas. No Macadam".

elr-a/swi

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