Les Européens aux urnes, l'extrême droite au deuxième rang en Allemagne

Un couple marche près des bâtiments du Parlement européen, le 9 juin 2024 à Bruxelles

By Julien GIRAULT avec Céline LE PRIOUX à Berlin, Augustas JAKIMAVICIUS à Vilnius, Julia ZAPPEI en Vienne

Bruxelles (Belgique) (AFP) - Des dizaines de millions d'Européens ont voté dimanche pour renouveler leurs eurodéputés, confirmant en Autriche et en Allemagne une forte poussée de l'extrême droite, susceptible d'orienter le cap politique de l'Union européenne (UE).

Le scrutin, destiné à élire 720 membres du Parlement européen, se déroule sur fond d'inquiétudes liées à une conjoncture économique morose et à la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie, au moment où l'Union affronte des défis stratégiques de taille face à la Chine et aux Etats-Unis.

Au total, plus de 360 millions de personnes sont appelées aux urnes. Les résultats sont attendus dans la soirée, mais de premiers sondages sortie des urnes confirment une nette progression des droites nationalistes et radicales.

En Allemagne, première puissance de l'UE, l'extrême droite AfD est créditée en seconde place, avec 16,5-16% des voix, derrière les conservateurs. En dépit des derniers scandales qui ont éclaboussé sa tête de liste, l'AfD a devancé les sociaux-démocrates (14%) de la coalition au pouvoir, un revers cuisant pour le chancelier Olaf Scholz.

En Autriche, le parti d'extrême droite FPÖ est crédité de 27% des voix, en tête du scrutin.

Les yeux sont désormais tournés vers la France où 49 millions d'électeurs sont appelés à désigner 81 eurodéputés.

Les derniers sondages placent largement en tête le Rassemblement national, mené par Jordan Bardella, avec plus de 30% des voix, loin devant Renaissance, le parti du président français Emmanuel Macron, puis la gauche sociale-démocrate emmenée par Raphaël Glucksmann.

Les Néerlandais, premiers à voter jeudi, ont confirmé une hausse du parti d'extrême droite de Geert Wilders, bien qu'il reste en deuxième place derrière la coalition sociale-démocrate/écologiste, selon des estimations.

Et en Italie, où le vote a débuté samedi, le parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FDI) de la cheffe de gouvernement Giorgia Meloni pourrait envoyer 22 eurodéputés dans l'hémicycle, contre six actuellement.

Mme Meloni, qui s'est présentée comme tête de liste à cette élection, a réaffirmé vouloir "défendre les frontières contre l'immigration illégale, protéger l'économie réelle, lutter contre la concurrence déloyale".

-"Sûreté et sécurité"-

Si les sondages prédisent une poussée de l'extrême droite dans nombre de pays à travers l'UE, la "grande coalition" actuelle droite/socialistes/libéraux qui forge les compromis dans l'hémicycle européen devrait y conserver la majorité.

Mais elle pourrait voir sa marge de manœuvre réduite, l'obligeant à trouver des forces d'appoint et augurant d'intenses tractations dans les semaines à venir: les eurodéputés auront comme première tâche de confirmer les choix des dirigeants des Vingt-Sept pour la présidence de la Commission européenne.

Mme Meloni et son parti pourraient jouer un rôle crucial pour la reconduction d'Ursula von der Leyen, issue du PPE (droite), à la tête de l'exécutif européen. En 2019, le Parlement ne lui avait accordé sa confiance qu'à une courte majorité (neuf voix).

Surtout, alors que les eurodéputés adoptent les législations de concert avec les Etats, l'essor des droites radicales pourrait influer sur des dossiers cruciaux : défense contre une Russie expansionniste, politique agricole, objectif climatique 2040, poursuite des mesures environnementales...

"L'enjeu est de taille", a souligné la Première ministre danoise Mette Frederiksen, deux jours après avoir été agressée à Copenhague, citant notamment "la sûreté et la sécurité avec la guerre en Europe", "le changement climatique", "la pression sur les frontières de l'Europe", et l'influence des "géants de la technologie".

L'extrême droite reste cependant divisée au Parlement européen en deux groupes (ID et ECR) dont la rapprochement reste très incertain en raison de leurs importantes divergences en particulier sur la Russie.

"J'espère qu'une majorité pro-paix sortira de ces élections", a déclaré le Premier ministre hongrois Viktor Orban après avoir voté à Budapest. Toujours très critique de Bruxelles, le dirigeant nationaliste multiplie par ailleurs les attaques contre l'Otan, l'accusant d'entraîner les pays de l'Alliance dans une "conflagration mondiale" - à l'opposé d'une Giorgia Meloni soutenant fortement l'aide à l'Ukraine.

Dans les pays voisins de la Russie en guerre contre l'Ukraine, la sécurité est une préoccupation majeure. "Je souhaite un renforcement de la sécurité (...) voire le déploiement d'un contingent européen sur notre territoire", affirme ainsi Andrzej Zmiejewski, médecin de 51 ans, après avoir voté à Varsovie.

La mobilisation de l'électorat est l'un des grands enjeux du scrutin.

Le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a encouragé les électeurs à se rendre aux urnes. "C'est le vote qui décide si l'avenir que nous construisons ensemble pour l'Europe et pour l'Espagne est un avenir de progrès ou un avenir de régression", a-t-il lancé.

En Espagne, la participation était en baisse à 18H00 (16H00 GMT), à 38,35%, 11 points de moins qu'en 2019. En France, en revanche, elle était en hausse à 45,26% à 17H00 (15H00 GMT) contre 43,29% en 2019.

"L'UE n'y arrivera que si elle fait bloc et reste ensemble. Je pense que c'est important de se tenir du côté de la paix et de la démocratie", a commenté Tanja Reith, électrice allemande de 52 ans.

"Si demain il n'y a plus d'Europe, il n'y a plus de France", abonde Martine Dorian, 76 ans, à Toulouse (sud-ouest de la France)

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