Après le séisme de la dissolution, la campagne pour les législatives s'accélère déjà

Capture d'écran du président Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée pour annoncer la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024 à Paris

By Leo MOUREN, Cécile AZZARO, Adrien DE CALAN

Paris (AFP) - Au lendemain du coup de tonnerre de la dissolution annoncée par Emmanuel Macron, les grandes manoeuvres ont commencé lundi: le RN de Jordan Bardella, candidat à Matignon, cherche à élargir son assise et fait des avances à LR tandis que la gauche met elle aussi sur la table le nom d'un Premier ministre potentiel, l'ex-syndicaliste Laurent Berger.

Le chef de l'Etat entrera de plain pied mardi dans la campagne, en tenant une conférence de presse dans l'après-midi.

La classe politique a passé sa journée en conciliabules et autres rendez-vous secrets ou ultra-médiatisés, après la victoire historique de l'extrême droite aux européennes dimanche et la dissolution retentissante de l'Assemblée nationale.

La France est désormais plongée en zone de turbulences, déroulant "un scénario extraordinairement incertain" selon l'expression de Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos.

Trois semaines de campagne éclair s'ouvrent avant le premier tour des législatives le 30 juin puis le second le 7 juillet, à la veille des Jeux olympiques de Paris (26 juillet - 11 août).

Les candidatures devront être déposées entre le mercredi 12 juin et le dimanche 16 juin à 18H00, selon le décret publié lundi au Journal officiel. La campagne électorale pour le premier tour débutera le lundi 17 juin.

C'est pour Emmanuel Macron un coup de poker car le vote sanction vient d'atteindre des records. Emmenée par Jordan Bardella, la liste du Rassemblement national a triomphé avec quelque 31,37% des voix, très loin devant la candidate macroniste Valérie Hayer (14,60%) et la tête de liste du PS Raphaël Glucksmann (13,83%).

\- Bardella courtise le LR -

Marine Le Pen a réaffirmé que Jordan Bardella avait vocation à devenir Premier ministre en cas de victoire de son camp le 7 juillet. Elle a rappelé le partage des rôles au sein du RN: à elle de briguer la présidence, à lui de viser Matignon.

Le jeune président du parti s'est posé lundi en rassembleur en recevant au siège du RN Marion Maréchal sous l'oeil d'une nuée de caméras.

Mme Maréchal, tête de liste Reconquête fraîchement élue à Bruxelles (5,74%), a exprimé son "souhait ardent" d'un accord avec le RN en vue des législatives, à l'issue d'un entretien d'une heure auquel participait sa tante Marine Le Pen.

Surtout, M. Bardella, reconnaissant qu'il était "difficile de gagner seul", a "tendu la main" aux Républicains, affirmant avoir eu "des discussions" avec certains de leurs cadres. Le RN est prêt à ne pas présenter de candidats face à des LR "pour faire rassemblement", a renchéri Marine Le Pen sur TF1.

Une manière de semer encore davantage la confusion chez des LR plus que jamais en quête d'une ligne directrice, après un nouveau score terne dimanche (7,25%).

A gauche, Raphaël Glucksmann a répété sa ligne de fermeté face à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Il a surtout proposé qu'en cas de victoire de la gauche, le nom de l'ex-secrétaire général de la CFDT Laurent Berger soit proposé pour le poste de Premier ministre.

Opposant farouche à la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, Laurent Berger est "une figure de la société civile qui est capable d'apaiser, qui est l'antithèse du président actuel, qui ne jouera pas avec les institutions, qui réconciliera les Français", a-t-il dit sur France 2.

Pendant ce temps, les partis de gauche réunis au siège des Ecologistes, menaient de difficiles tractations pour parvenir à un accord pour les législatives.

Les socialistes, qui entendent pousser leur avantage né du bon score de Raphaël Glucksmann devant LFI (9,89%), ont aussi participé à une première rencontre dans la matinée avec EELV, le PCF, des syndicats et des membres de la société civile.

\- "Front populaire" -

Raphaël Glucksmann a affiché son "rejet de la brutalité de la vie politique, des insultes, des fake news, des calomnies", dans une claire allusion à la stratégie de conflictualité du débat politique choisie par le leader insoumis.

Les socialistes ont de fait rejoint la proposition de constituer un "front populaire" pour contrer l'extrême droite, formulée par François Ruffin, député insoumis mais qui a pris ses distances avec la direction du mouvement.

En 2022, PS, LFI, PCF et Ecologistes avaient réussi un tour de force en faisant entrer 151 députés grâce à l'alliance Nupes qui a implosé à l'automne dernier.

La gauche est en tous cas pressée de s'unir de toutes parts, alors qu'ont fleuri les appels en ce sens de syndicats, associations féministes ou encore du monde de la culture.

Cette opposition frontale au RN est encouragée dans la rue. Des organisations de jeunesse ont appelé à un rassemblement lundi soir, place de République à Paris, et plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Marseille, Montpellier, Rennes, Nantes et Rouen.

Selon un tout premier sondage Harris Interactive - Toluna publié lundi, le RN obtiendrait 34% des intentions de vote au premier tour, contre 22% pour la gauche si elle est unie et 19% pour les macronistes.

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