Elections européennes : de quoi l'échec des Verts et des Libéraux est-il le nom ?

Bas Eickhout, candidat principal des Verts européens, et Valerie Hayer, du parti présidentiel Renew, lors d'un événement électoral. ©AP Thomas Padilla / Harry Nakos

Les verts et les libéraux sont sortis grands perdants des élections européennes de ce week-end, avec une perte sèche respective de 18 et 23 sièges par rapport au scrutin de 2019, selon les résultats publiés le 10 juin.

De quoi hypothéquer l'avenir des politiques environnementales.

La Belgique, la France, l' Allemagne et l'Italie figurent parmi les pays où les libéraux et les verts ont enregistré les plus lourdes défaites, souvent au profit de l'extrême droite, en particulier à Paris et à Berlin. Les difficultés d'accès à un logement décent et l'inflation galopante, tout comme les réponses de chaque Etat à la guerre en Ukraine, ont pu également jouer un rôle dans la montée de l'extrême droite et le déclin des deux formations politiques.

Alors que les résultats définitifs, pour certains pays de l'UE, n'ont pas encore été annoncés, les dernières projections révèlent un recul nettement marqué des Verts/Alliance Libre Européenne (ALE) et des libéraux de Renew Europe, qui siègent à Bruxelles et à Strasbourg. Toutefois, ces derniers envisagent de former une coalition avec le Parti populaire européen (PPE), qui a consolidé sa position dominante dans l'hémicycle, en parvenant à remporter des sièges supplémentaires pour la première fois depuis les élections de 2009. Les socialistes (S&D), quant à eux, conservent une position globalement stable, malgré la perte de cinq sièges.

A la suite des premiers résultats de la soirée électorale, Philippe Lamberts, coprésident des Verts/ALE, a affirmé que les Verts constituaient la seule force politique à défendre la protection environnementale de la planète, "face à des vents contraires particulièrement forts au sein de l'opinion publique, de l'extrême droite et d'autres courants", faisant ainsi référence aux votes enregistrés au Parlement qui ont précédé les élections, lors desquels le PPE et les libéraux ont bloqué des dossiers phares liés au climat.

"Il se peut que vous disposiez d'une majorité à vous trois", a averti Philippe Lamberts, ajoutant que les dirigeants du PPE, du S&D et de Renew Europe avaient besoin de nouer des alliances : "Mais si vous recherchez la stabilité et l'adoption de politiques responsables au cours des cinq prochaines années, vous ne pouvez pas opter pour les différentes mouvances d'extrême droite".

Les libéraux semblent d'ores et déjà faire des appels du pied aux centristes. Le secrétaire général de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), Didrik de Schaetzen, a exhorté les groupes PPE et S&D à "travailler ensemble dans un esprit de compromis".

"D'un point de vue arithmétique, il semble que nous pourrions, à nous trois [PPE, Renew Europe et S&D], disposer d'une majorité simple, et ce qui compte, c'est le compromis qui résultera des discussions", a déclaré M. De Schaetzen, qui a réitéré son souhait de ne pas coopérer avec l'extrême droite au niveau de l'UE, malgré les gains significatifs enregistrés par cette dernière. Il a assuré vouloir maintenir un "cordon sanitaire" pour empêcher des partis tels que le Rassemblement National de participer aux commissions parlementaires.

Son homologue, Benedetta De Marte, secrétaire générale du Parti vert européen (PVE), a reconnu que "certaines divergences n'étaient pas mineures" entre les libéraux et les verts au niveau national, et a attribué la montée de l'extrême droite à la fragmentation politique.

"Ces ambiguïtés ont permis à l'extrême droite d'arriver là où elle est", a ajouté M. De Marte.

Benedetta De Marte a cependant rejeté l'idée selon laquelle les Verts avaient pu être perçus comme un partenaire peu fiable, en raison de leur opposition à la Politique agricole commune (PAC) ou de leur plaidoyer en faveur du Pacte vert européen, le programme phare de l'UE visant à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Selon la secrétaire générale du Parti vert européen (PVE), son groupe s'est montré "fiable et constructif", et l'objectif du parti était de "changer les choses et pas seulement de camper sur des postures", a-t-elle précisé.

Le parti a reconnu qu'il n'allait pas réitérer le succès de 2019, a indiqué Benedetta De Marte, ajoutant que la lame de fond [en faveur de l'action climatique] observée au sein de la société n'était malheureusement plus d'actualité.

Malgré l'échec cuisant de Valérie Hayer en France, la candidate libérale a estimé que, d'après le résultat des élections, aucune majorité pro-européenne n'allait pouvoir se dégager au Parlement sans les libéraux.

"Notre famille Renew Europe sera aux avant-postes de ces ambitions, prête à faire avancer la prochaine coalition pro-européenne", a affirmé Valérie Hayer sur X.

Le député écologiste allemand Daniel Freund (Allemagne/Verts), qui a été réélu pour un second mandat, a mis en corrélation, de son côté, l'issue du scrutin et les piètres résultats des Verts sur les dossiers nationaux, tels que le logement et l'inflation.

"Les Verts, en Allemagne, ont perdu du terrain de manière significative auprès des jeunes électeurs. C'est inquiétant. Notre campagne n'a pas été capable de s'adresser à ces électeurs - de leur montrer l'urgence de notre politique climatique ", a déclaré M. Freund à Euronews.

"Cependant, je pense que ce que nous observons en Allemagne - et dans une certaine mesure en France, également - c'est que les électeurs se sont servis de ces élections européennes pour exprimer leur mécontentement à l'égard de leurs gouvernements nationaux", a-t-il ajouté.

James Kanagasooriam, directeur de recherche au sein de l'institut de sondage Focaldata, ne considère pas le résultat des élections comme un "effondrement" pour les Verts, malgré la "bascule vers l'extrême droite".

"Les Verts sont en perte de vitesse, mais pas forcément les préoccupations de la population liées au réchauffement climatique", a déclaré James Kanagasooriam. "Les données sont claires, les électeurs du PPE sont plus proches des sociaux-démocrates et de Renew que des autres partis, en ce qui concerne les questions écologiques, et leurs électeurs s'attendront probablement à une orientation politique en ce sens", a-t-il ajouté.

"Poursuivre l'agenda de la transition vers la neutralité carbone, au cours de ce mandat, constitue un choix stratégique pour repositionner l'UE sur la carte des puissances industrielles", a déclaré Neil Makaroff, directeur du think tank paneuropéen Strategic Perspectives, ajoutant qu'un "tel plan pourrait cimenter une coalition entre le PPE, le S&D, Renew et les Verts".

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