"Le temps est compté": Tesla mobilise pour valider la méga-rémunération d'Elon Musk

Elon Musk, patron de Tesla, SpaceX et X (ex-Twitter), à Los Angeles le 6 mai 2024

By Elodie MAZEIN

New York (AFP) - Le constructeur automobile Tesla a fait campagne tous azimuts jusqu'au dernier moment pour que ses actionnaires votent à l'assemblée générale jeudi et adoptent l'énorme plan de rémunération d'Elon Musk, son patron.

"Le temps est compté", affichait mercredi après-midi le site votetesla.com créé pour l'occasion, tandis qu'un compte à rebours égrenait les secondes jusqu'à 23H59 au Texas (04H49 GMT), heure de clôture du scrutin.

Outre le plan de rémunération, Tesla fait également campagne pour l'approbation du transfert de sa domiciliation du Delaware (est) au Texas (sud).

"Votre vote est crucial pour la croissance et la réussite futures de Tesla et pour la valeur de votre investissement", insiste le spécialiste des véhicules électriques dans une vidéo expliquant, avec l'aide de son robot-humanoïde Optimus, comment voter.

Pour susciter les votes, le groupe a mis en jeu, par tirage au sort, quinze visites de la méga-usine d'Austin (Texas) avec comme guides Elon Musk et Franz von Holzhausen, chef designer de Tesla.

Outre le site dédié et l'aide d'Optimus, de nombreux messages ont été publiés sur X (ex-Twitter, propriété du milliardaire), ainsi que des publicités sur internet. Digne d'une campagne électorale.

Le groupe compte sur les petits porteurs pour faire la différence face aux gros investisseurs, dont plusieurs ont annoncé, ces derniers jours, qu'ils s'opposaient au package de rémunération.

Ces investisseurs institutionnels en avaient fait de même le 21 mars 2018, lorsque ce montage financier avait été soumis aux actionnaires en assemblée générale extraordinaire. Le "oui" l'avait emporté à 73%, en excluant les votes d'Elon Musk et de son frère Kimbal.

A l'époque, le package était estimé à 56 milliards de dollars et prévoyait des distributions d'actions pendant dix ans, en fonction d'objectifs précis.

\- Sortie de route -

Mais le recours d'un actionnaire devant un tribunal du Delaware a abouti à son annulation par une juge fin janvier.

Mi-avril, le conseil d'administration a entrepris une manoeuvre pour le remettre en piste en l'inscrivant au menu de l'assemblée générale ordinaire de jeudi.

"Le conseil soutient ce plan de rémunération. Nous y avons cru en 2018, en demandant à Elon de poursuivre des objectifs remarquables pour développer l'entreprise", avait alors fait valoir le conseil.

L'action Tesla valait 20,70 dollars à la clôture de Wall Street la veille de l'AG de 2018, et 177,29 dollars à la fermeture mercredi.

D'après le Wall Street Journal, le "oui" et le "non" étaient au coude-à-coude mardi.

"Nous pensons que les investisseurs vont devoir boucler leur ceinture avant ce qui devrait être une semaine volatile pour leurs actions", a prévenu Garrett Nelson, analyste de CFRA Research, "réticent" à un pronostic sur le résultat sauf à dire que les conséquences seraient "majeures" quel qu'il soit.

Selon lui, les actionnaires individuels détiennent environ 40% du capital du constructeur.

La crainte, a-t-il souligné à l'instar d'autres experts et d'actionnaires favorables au plan, est que, en cas de refus par l'AG, le milliardaire se détourne de Tesla pour davantage se consacrer à ses autres entreprises (SpaceX, X, xAI, Starlink, etc).

Or, pour beaucoup, Tesla n'est rien sans Elon Musk.

"Tesla est meilleur avec Elon. Tesla est Elon", selon Ron Baron, patron de la société d'investissements Baron Funds. "Elon a rempli son contrat de rémunération. Elon a gagné son salaire".

Tesla représente le plus gros actif de son portefeuille (autour de 3 milliards de dollars au 31 mars) mais il reste un Petit Poucet face à Vanguard, premier investisseur avec une part de 7,23% fin 2023.

Sollicité par l'AFP, ce dernier a refusé de dévoiler son vote et BlackRock, second investisseur avec 5,9%, n'a pas répondu.

Selon le Wall Street Journal, en 2018 le premier avait voté contre, tandis que le second avait approuvé le plan.

Le fonds de pension des enseignants de Californie (CalSTRS), l'un des trois plus importants des Etats-Unis, a tranché: c'est non.

"Ce plan de rémunération est ridicule", a lancé sur CNBC Chris Ailman, son directeur des investissements, soulignant qu'il revenait à payer Elon Musk "140 fois le salaire moyen d'un employé".

Même refus du fonds souverain norvégien NBIM - le plus gros au monde et actionnaire de Tesla à 0,98% fin 2023 - comme en 2018.

Les cabinets de conseils aux actionnaires Glass Lewis et Investor Shareholder Services (ISS) ont recommandé de s'opposer au package.

D'après ISS, "les inquiétudes soulevées, en 2018 et depuis lors, n'ont pas été suffisamment atténuées".

© Agence France-Presse