Direction les Dolomites, pour découvrir 8 artistes à ne pas manquer à la Biennale Gherdëina

Biennale Gherdëina 9, Le Parlement des marmottes, sous la direction de Lorenzo Giusti. Jours d'ouverture 31.05-01.06.2024. ©Photo by Tiberio Sorvillo

La Biennale Gherdëina, à l'occasion de sa 9ème édition, présente cette année plus de 30 artistes et collectifs, dont les oeuvres et les performances dialogueront avec l'écrin naturel des Dolomites, un site protégé par l'UNESCO.

Cette édition 2024, organisée par Lorenzo Giusti, historien et conservateur italien, et Marta Papini, conservatrice adjointe, sera placée sous le signe du "Parlement des marmottes".

Un titre emprunté à une légende locale héritée des Fanes, ancêtres supposés des Ladins, selon laquelle ce peuple aurait prospéré grâce à son alliance avec les marmottes, avec lesquelles il partageait la terre.

Cette année, la Biennale met à l'honneur les les liens culturels entre les Dolomites et la Méditerranée, en invitant des artistes aux disciplines et aux origines variées, venus de toute l'Europe, mais aussi d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Une manière de faire vivre également une autre légende ladine, qui conçoit la terre comme un lieu de rencontre entre l'histoire et la nature, mais aussi comme un lieu où de nouvelles histoires peuvent s'écrire.

Huit artistes à ne pas manquer :

Diana Policarpo - Fontaine d'Anguane (2024) et ruisseau (COBRACORAL) (2024)

Diana Policarpo, Anguane’s Fountain, 2024. Mixed media sculpture. 280 x 120 x 120 cm. // Anguane’s Fountain, Stream (COBRACORAL), 2024. 6 multi-channel audio installation.Commissioned by Biennale Gherdëina 9. Photo by Tiberio Sorvillo

Perché sur une colline, le grand Castel Gardena accueille plusieurs œuvres d'art dans le cadre de la Biennale, dont la Fontaine d'Anguane (2024) de Diana Policarpo, qui se trouve dans la cour du château.

La sculpture de Policarpo, qui jaillit d'une ancienne fontaine, s'inspire de la forme d'une éponge carnivore nichée habituellement dans les profondeurs de l'océan ; il s'agit d'un hommage de l'artiste aux "anguanes", des figures féminines de la mythologie ladine, traditionnellement associées à l'eau et connues pour être les gardiennes des montagnes, des forêts et des eaux.

Nadia Kaabi-Linke - Champignon (2024)

Nadia Kaabi-Linke, Mushroom, 2024. Installation. Variable Dimensions. Commissioned by Biennale Gherdëina 9. Supported by IFA - Institut für Auslandsbeziehungen.Photo by Tiberio Sorvillo

"Si vous sortez [dans la forêt], regardez bien le sol. Vous verrez que les racines sont vraiment très épaisses, très visibles", explique Nadia Kaabi-Linke. S'inspirant des chutes d'arbres provoquées par les orages d'été, l'artiste berlinoise d'origine tunisienne et ukrainienne a transformé une cave du centre d'Ortisei en une forêt souterraine : les racines des arbres semblent sortir du sol, et se frayer un chemin à travers le béton.

"Je voulais créer une œuvre qui crée une friction entre la culture et la nature, que les racines poussent dans la structure du bâtiment", explique Kaabi-Linke, qui encourage les visiteurs à rester à l'intérieur suffisamment longtemps pour que leurs yeux s'habituent à l'obscurité.

Julius von Bismarck - Le scarabée sur un cheval (2024)

Julius von Bismarck, Beatle On A Horse, 2024. Stone Pine Wood. 444 x 125 x 233 cm. Commissioned by Biennale Gherdëina 9. Supported by IFA - Institut für Auslandsbeziehungen.Photo by Tiberio Sorvillo

Le scarabée sur un cheval de l'artiste allemand Julius von Bismarck se dresse fièrement au centre d'Ortisei. S'il n'est pas rare de voir une sculpture glorifiant un héros à cheval, celui-ci est en l'occurrence peu commun, puisqu'il s'agit d'un personnage hybride, mélange d'humain et de scolyte, insecte minuscule creusant l'intérieur des arbres et rongeant leur écorce.

Ce nuisible a causé la disparition de pans entiers de forêts dans les Dolomites, dont les surfaces pelées se voient sur les collines entourant la ville, le changement climatique exacerbant la menace. Dépeignant le coléoptère comme un conquérant triomphant, von Bismarck pose la question suivante : la nature est-elle destructrice, ou bien est-ce l'homme, et son impact sur ? "[Ce scolyte] est l'ambassadeur des animaux ou d'autres formes de vies qui peuvent nous apprendre quelque chose", explique M. von Bismarck.

Atelier dell'Errore - Vela Alpina (2024) et Marmottoloide (2024)

Atelier dell’Errore, Marmottoloide, 2024. Mixed Technique and Gold Leaf on Polyester and Carbon Fibre. Variable Dimensions. Commissioned by Biennale Gherdëina 9.Photo by Tiberio Sorvillo

En référence au thème "Le Parlement des marmottes", le collectif d'art neurodivergent Atelier dell'Errore , basé à Reggio Emilia, a investi l'espace de la Biennale à Pontives avec ses "Marmottoloïdes" - des créatures futuristes à l'allure punk, qui ont chacune leur propre histoire.

Le collectif - dont l'unique règle impose qu'"aucune erreur ne puisse être effacée au cours du processus artistique" - présente aussi sa "Vela Alpina" ("Voile alpine") sur un lampadaire devant le siège de la Biennale.

Cette œuvre, réalisée à partir des couvertures de survie utilisées par les migrants sur les rives de la Méditerranée, et transformées en une voile efficace, est à la fois un clin d'œil à la mer qui a façonné les Dolomites il y a 250 millions d'années et une inversion du récit : ce qui était autrefois un équipement de sauvetage peut devenir un symbole d'espoir, de progrès et d'autonomisation.

Nassim Azarzar - La lisière de la forêt (2024)

Nassim Azarzar, The Edge of the Forest, 2024. Wallpainting. Variable Dimensions. Commissioned by Biennale Gherdëina 9.Photo by Tiberio Sorvillo

Nassim Azarar, qui a développé le langage visuel de cette œuvre grâce à une recherche à long terme au Maroc, combine les formes et les couleurs nord-africaines avec les paysages et les traditions des Dolomites pour créer une fresque murale sur la façade de l'hôtel historique Ladinia.

Né en France de parents marocains, Azarzar orne le bâtiment d'une œuvre abstraite rappelant une mosaïque marocaine - chaque section peinte ayant sa propre histoire à raconter.

Laurent Le Deunff - Chouette des neiges, Crocodile, Escargot (2024)

Laurent Le Deunff, Chouette des neiges, Crocodile, Escargot, 2024. Installation with Concrete Sculptures, Earth, Tree Bark, Dead Leaves, Moss and Various Species of green Plants and Saplings. Variable Dimensions. Courtesy of the Artist and Semiose, Paris. Photo by Tiberio Sorvillo

Autre spectacle inattendu : celui offert par l'œuvre "Chouette des neiges, Crocodile, Escargot", de Laurent Le Deunff. L'artiste a utilisé des écorces, de la mousse, des plantes et des jeunes pousses pour créer un jardin secret enchanteur dans un hall d'entrée, où un harfang des neiges, un crocodile et un escargot surplombent ce qui ressemble à des pierres tombales. L'artiste indique avoir réalisé ces effigies grâce à la technique de la "rocaille", qui consiste à sculpter le béton pour lui donner l'apparence du bois.

"Cet art de la rocaille est généralement consacré aux représentations humaines", explique l'artiste. "C'est comme un cimetière ici... mais l'art est dédié aux animaux".

Ingela Ihrman - Au commencement était l'océan (2024)

Ingela Ihrman, First Came the Ocean, 2024. Environmental Installation, 25 x 5 m. Courtesy the Artist and Ögonblicksteatern i Umeå, Sweden. Commissioned by Biennale Gherdëina 9Photo by Tiberio Sorvillo

Sur le plateau de Juac, l'artiste suédoise Ingela Ihrman présente la seule installation en pleine nature de la Biennale.

Dans son installation "First Came the Ocean", des troncs et des branches d'arbres qui ont cédé, arrachés par les récentes tempêtes ou rongés par les scolytes, forment le squelette d'un animal marin. Il s'agit d'une réflexion sur les Alpes, dont les prairies ont pourtant été des fonds marins dans un lointain passé.

Ruth Beraha - Il Cielo è Dei Violenti (2024)

"Il Cielo è Dei Violenti" est une installation sonore de Ruth Beraha, réalisée avec un ornithologue local, que l'on peut écouter dans un théâtre désaffecté.

L'installation, qui s'écoute dans l'obscurité, commence par des chants d'oiseaux bucoliques, qui finissent par se transformer en une cacophonie frénétique de cris d'oiseaux et de battements d'ailes.

La neuvième édition de la Biennale Gherdëina : Le Parlement des marmottes se déroule jusqu'au 1er septembre 2024 à Ortisei, Pontives et Selva Val Gardena.

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