Le saviez-vous ? Les éléphants se donneraient des noms

Michael Siebert - Pixabay

Les éléphants sont des animaux extraordinaires. Depuis 1975, la biologiste Joyce Poole étudie les éléphants de savane, Loxodonta africana. Elle a remarqué que, parfois, lorsqu’un éléphant appelle ses semblables, quelques-uns répondent et parfois aucun ne répond. Rapidement, elle soupçonne “d’avoir un moyen de diriger leurs appels vers un individu spécifique. La question se pose alors de découvrir “la manière dont ils s’y prenaient”. Une étude récente apporte un élément précieux de réponse.

Le saviez-vous ? Les éléphants se donneraient des noms

Les noms sont un quelque chose de rare dans la nature. Quelques espèces seulement les utilisent – perroquets ou dauphins -, mais ces dernières ne font qu’imiter un son émis par le destinataire. Chez les éléphants, cela semble différent. Ils utilisent des appellations vocales arbitraires. George Wittemyer, co-auteur de l’étude, professeur en biologie à la Colorado State University et président du conseil scientifique de Save the Elephants, explique qu’une appellation arbitraire reviendrait, par exemple, à appeler un bovin une “vache”, dans la mesure où ce mot ne ressemble aucunement à l’animal lui-même. Une appellation iconique, a contrario, est plus simple. Elle ferait référence à un bovin avec un “meuh”, semblable au son que l’animal en question produit. Ces appellations arbitraires viennent élargir sensiblement le champ de communication et permettent dès lors d’exprimer une pensée abstraite. “En termes de cognition, cela ouvre toutes sortes de possibilités”.

Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont analysé des enregistrements pris entre 2019 et 2022 dans les réserves nationales de Samburu et Buffalo Springs, au Kenya, ainsi que sur les archives du Amboseli National Park des années 1980, 1990 et 2000. Au total, les données de 101 éléphants de savane, pour 469 appels distincts à 117 destinataires ont été utilisés. L’équipe a concentré ses efforts sur certains grondements précis, dans les situations les plus susceptibles de contenir un nom. Les éléphants sont capables de vocalisations très variées, avec des structures complexes, notamment dans les basses fréquences, hors de portée de l’ouïe humaine. Cela rend leur interprétation très difficile. Mais “contrairement aux noms humains, où le nom lui-même représente la majeure partie de la variation de l’énoncé, les noms des éléphants ne représentent qu’une petite partie de la variation de l’appel”, explique Mickey Pardo, responsable de l’étude et chercheur post-doctoral à l’université de l’État du Colorado. Le nom pourrait alors n’être qu’un élément d’un signal complexe transmettant plusieurs informations.

Difficile cependant d’avoir la moindre certitude

Si les chercheurs sont aujourd’hui incapables de savoir comment est codé ce nom dans un appel, cette étude indique qu’il est bien présent. Avec un algorithme, les scientifiques ont constaté que les appels d’un même individu vers un même congénère sont davantage similaires que ceux d’un même individu vers des congénères différents. Mais cette analyse a aussi conduit à des réponses contradictoires quant à l’idée de savoir si différents éléphants utilisent le même nom pour s’adresser à un même individu. Il est possible que différents éléphants utilisent des dérivés des noms, comme nos surnoms. Difficile d’avoir davantage de certitudes face au peu de données. D’autant plus que, pour qu’un nom soit un nom, il faut que ce dernier soit utilisé par plus d’un interlocuteur. À l’heure actuelle, pour comparer avec l’homme, si quelqu’un dit “yo yo yo” à une personne et “hé hé hé” à une autre, l’algorithme suggèrera que “yo” et “hé” sont deux noms. Ce n’est pourtant pas le cas.

Ceci étant dit, les chercheurs ont aussi fait écouter aux éléphants plusieurs enregistrements. Certains leur étaient adressés à l’origine, d’autres non. Et il s’avère eque les éléphants reconnaissent leur propre “nom”. Mieux, ils y répondent. Parfois même avec insistance.

Comme George Wittemyer le fait remarquer, “nous n’en sommes qu’aux premières étapes pour essayer de déchiffrer” tout cela. Joyce Poole va même plus loin. Les éléphants ont-ils aussi des noms de lieux ? Wittemyer conclut ainsi : “Cette étude ouvre une fenêtre sur le fonctionnement de leur esprit. Nous faisons un pas vers une meilleure compréhension de ces animaux, ce qui nous aidera peut-être à mieux vivre avec eux.”

Lire la source


A lire aussi