Législatives en France : l'alliance de gauche espère empêcher la victoire de l'extrême droite

Une femme passe devant une affiche sur laquelle on peut lire "Votez pour le nouveau Front populaire" avant les prochaines élections législatives à Paris. ©Thibault Camus/AP Photo

Lorsque le président français Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives anticipées au début du mois de juin, un militant qui s'efforce d'apporter une alimentation de qualité dans les quartiers pauvres a décidé de se porter candidat.

Boris Tavernier vit à Lyon depuis plus de 20 ans et estime que la question de la sécurité alimentaire est liée à de multiples sujets tels que l'agriculture, la santé et l'environnement. Cependant, il ne voit personne proposer des réponses à cette question au Parlement.

"Je me suis dit qu'il y aurait trois années difficiles (avant les prochaines élections), mais je ne me voyais pas ne rien faire et rester assis", a-t-il déclaré à Euronews.

Boris Tavernier est désormais candidat du Nouveau Front populaire (NFP), une coalition de partis de gauche qui a pris la suite de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), arrivée en deuxième position lors des élections législatives de 2022.

Selon les sondages, cet amalgame de partis de gauche pourrait arriver en deuxième position derrière le Rassemblement national (RN) et devant les centristes du président Macron.

Le NFP regroupe de nombreux partis modérés ainsi que des partis plus à gauche depuis longtemps en désaccord avec les politiques de M. Macron, qui, selon eux, ne font qu'exacerber les inégalités.

Ils veulent abroger sa réforme controversée des retraites, porter le salaire minimum à 1 600 euros par mois et renforcer les actions pour le climat.

Le programme, selon ses militants, est plus modéré que celui de la dernière coalition.

Les candidats du nouveau Front populaire à Lyon lors d'un rassemblement visant à galvaniser les électeurs de gauche. Boris Tavernier est à droite.Euronews

"Je n'y serais pas allé sans union, ça c'est évident. Et je n'y serais pas allé sans voir certaines choses inscrites sur le programme. Il y avait des lignes rouges, aussi. Pour moi, notamment cette question hyper important de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toute forme de discrimination", explique Boris Tavernier.

Cependant, la coalition a parfois eu du mal à apparaître unie.

Alors que les autres partis ont également des leaders clairs, comme le Premier ministre Gabriel Attal pour la coalition présidentielle et Jordan Bardella pour le RN, une personnalité politique de gauche différente participe à chaque débat.

Jean-Luc Mélenchon, qui est arrivé en troisième position lors de la course présidentielle de 2022 mais qui a fait l'objet de nombreuses critiques en raison de sa position sur le conflit en Israël et à Gaza et de sa minimisation de la menace antisémite en France, est absent de ces débats.

M. Mélenchon a déclaré en décembre que la coalition des partis de gauche n'existait plus, et son nom revient souvent parmi les électeurs qui disent vouloir l'empêcher de participer au gouvernement ou qui affirment que la gauche se porterait mieux sans lui.

Le fondateur de La France Insoumise (LFI) a indiqué que l'exclure pourrait influencer les électeurs qui soutiennent son mouvement, tandis que d'autres partis de gauche de la coalition ont convenu qu'il ne serait pas Premier ministre si le NFP remportait les élections législatives.

M. Macron affirme lui que son parti représente une troisième voie entre les deux extrêmes, de gauche et de droite.

Mais les membres de la coalition de gauche refusent catégoriquement d'être mis dans le même panier que l'extrême droite. Marine Tondelier, cheffe du parti écologiste, a indiqué à la radio française que le parti du président avait "perdu toutes les références historiques".

"Macron a tout fait pour dédiaboliser l'extrême droite et après c'est nous les méchants", estime Boris Tavernier. "Je trouve ça dingue".

Inspiré par le mouvement socialiste de 1936

Le Nouveau Front populaire renvoie à un mouvement presque centenaire de partis de gauche, mené à l'époque par le Parti socialiste.

Mais Paul Bacot, professeur émérite de sciences politiques à l'Institut d'études politiques de Lyon (Sciences Po Lyon), estime qu'il existe de grandes différences entre le mouvement historique et la gauche d'aujourd'hui.

"La première différence, c'est que le Front populaire de 1936 était une réalité politique qui s'inscrivait dans la dynamique d'un mouvement social d'envergure et extrêmement fort de grèves des occupations d'usines. Il s'appuyait sur une classe ouvrière nombreuse et mobilisée. Ce n'est pas du tout le cas ici", explique M. Bacot.

Aujourd'hui, cette classe ouvrière "vote massivement pour le Rassemblement national", explique M. Bacot. " Et les mouvements sociaux? Oui, il y a eu celui contre les retraites, mais les gilets jaunes étaient au moins autant porteurs de la politique du Rassemblement national que de celle de la gauche".

Les socialistes ont vu leur soutien chuter de manière significative lors des élections présidentielles de 2017 et 2022, mais les analystes politiques affirment que le parti traditionnel de gauche pourrait se tailler un nouvel espace compte tenu de ses performances lors des récentes élections européennes.

La dissolution de l'Assemblée nationale juste après les élections ne leur a toutefois pas permis de récolter les fruits de leurs efforts, estime M. Bacot.

Pour l'instant, la gauche se concentre sur le blocage de l'extrême droite. Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon, a déclaré que la dissolution de l'Assemblée par le président avait mis le pays en danger et que le NFP souhaitait gouverner en tant que collectif.

"Lorsque nous gouvernons, nous gouvernons avec tous ceux avec qui nous partageons des valeurs fondamentales ", a déclaré M. Doucet à Euronews.

"On peut être en désaccord sur tel ou tel point, mais comment voulez-vous représenter la diversité d'un pays en voulant gouverner seul ?"

"C'est ce que fait Emmanuel Macron depuis 2017. Ce n'est pas ce que nous voulons."

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